Wall Street toujours nerveux avec Nvidia

Wall Street hésite encore ce vendredi, au lendemain d'une séance mouvementée qui avait vu les indices initialement décoller dans le sillage de Nvidia, avant de retomber brutalement durant la journée. ...

Wall Street hésite encore ce vendredi, au lendemain d'une séance mouvementée qui avait vu les indices initialement décoller dans le sillage de Nvidia, avant de retomber brutalement durant la journée. La question des valorisations dans le secteur de l'IA perturbe toujours les opérateurs, mais l'intervention du patron de la Fed de New York plus tôt ce jour a fait remonter grandement les anticipations de baisse des taux. Alors que plusieurs avis prudents de responsables de la Fed - dont surtout celui de Lisa Cook - avaient affecté les marchés hier, la voix du patron de la Fed de New York, John Williams, a un peu rassuré. Ce dernier voit en effet "une marge" pour un assouplissement monétaire à court terme.

Le scepticisme persiste néanmoins concernant l'IA, malgré les résultats nettement supérieurs aux attentes de Nvidia et les efforts de son patron Jensen Huang pour rassurer concernant les perspectives du secteur en général et de son groupe en particulier. Les inquiétudes relatives aux niveaux exorbitants de dépenses des géants technologiques américains et de startups pourtant largement déficitaires, ainsi que celles relatives aux accords aux apparences circulaires, dans le cadre desquels de grands groupes de la 'tech' investissent dans des sociétés clientes, pèsent toujours.

Le S&P 500 grappille 0,18% pour l'heure à 6.551 pts, alors que le Nasdaq fléchit de 0,19% à 22.036 pts. Le Dow Jones gagne 0,59% à 46.021 pts.

Sur le Nymex, le baril de brut WTI rend 2,1% à 57,7$. L'once d'or fin fléchit de 0,5% à 4.057$. L'indice dollar avance de 0,1% face à un panier de devises. Le bitcoin poursuit sa décrue vers les 82.000$.

Les anticipations monétaires pour la réunion de la Fed du 10 décembre viennent de "rebasculer" en faveur d'un assouplissement d'un quart de point avec John Williams. Ce scénario présente selon l'outil CME FedWatch une probabilité de 73,3%, contre 26,7% de 'proba' d'un statu quo. Il y a seulement quelques heures, c'était le scénario du statu quo qui dominait encore. Il faut dire que les Minutes de la précédente réunion de la Fed, publiées avant-hier soir, avaient fait référence de manière insistante au risque de résurgence de l'inflation. Plusieurs participants avaient jugé qu'une baisse additionnelle de taux pourrait être appropriée en décembre, mais "de nombreux participants" avaient aussi suggéré que selon leurs prévisions économiques, il serait plutôt approprié de maintenir les taux inchangés pour le reste de l'année. Tous les participants s'étaient accordés sur le fait que la politique monétaire n'était pas sur une trajectoire préétablie...

Il est très rare que les anticipations sur les taux fluctuent de manière aussi importante sur un seul avis de responsable de la Fed. Mais le comité monétaire de la banque n'a jamais été aussi divisé, et chaque voix comptera donc le 10 décembre, ce qui explique ces réactions épidermiques dans un sens ou dans l'autre.

La présidente de la Réserve fédérale de Cleveland, Beth Hammack, s'exprimant hier, a déclaré que la baisse des taux d'intérêt pour soutenir le marché du travail pourrait prolonger la période d'inflation supérieure à l'objectif et accroître les risques pour la stabilité financière...

Lisa Cook, maintenue à la Fed malgré la volonté de Donald Trump d'obtenir son éviction pour des allégations de fraude sur prêt immobilier, a amené aussi hier une certaine confusion supplémentaire sur les marchés financiers en évoquant des valorisations élevées des actions, obligations corporate, de l'immobilier, ainsi que la question des prêts à levier, qui augmenteraient le risque d'importants déclins du marché. Elle note toutefois que le système financier resterait résilient (!), mais s'affiche préoccupée par les risques de liquidité liés au rôle croissant des hedge funds sur les marchés du Trésor. Elle ajoute que le private equity n'est pas une menace pour la stabilité... mais doit être surveillé. Elle estime que l'IA pourrait améliorer... ou déstabiliser les marchés, son impact demandant selon elle une observation attentive.

Michael Barr, gouverneur de la Fed, a disserté également hier au sujet de l'intelligence artificielle à l'occasion du FinRegLab AI Symposium 2025 à Washington. Il juge que l'IA génère déjà des gains significatifs en matière de PIB, même si elle ne se traduit pas encore par des gains de productivité. Il constate aussi que les tendances des marchés actions influencent les décisions d'achat des consommateurs les plus aisés. Malgré les perturbations de court terme, il juge que l'intelligence artificielle devrait apporter des bénéfices globaux. L'IA serait donc probablement globalement positive, selon le gouverneur...

Le président de la Fed de Chicago, Austan Goolsbee, a indiqué hier qu'à court terme, il était un peu réticent à l'idée de procéder à trop de baisses de taux d'un coup. Il craint en effet que l'inflation ne soit pas transitoire.

Le gouverneur Stephen Miran fraîchement désigné par Trump a jugé hier que la Fed était tenue de rapprocher ses taux du taux neutre... Il avait précédemment plaidé pour des baisses de taux conséquentes.

John Williams, Michael Barr, Lorie Logan, Philip Jefferson et Susan Collins de la Fed, prennent la parole durant la journée. Williams, président de la Fed de New York, s'est donc montré très ouvert à une baisse de taux, évoquant une politique monétaire légèrement restrictive et attribuant les heurts concernant l'inflation aux tarifs douaniers - impact qui serait temporaire. Il plaide donc pour une politique relativement accommodante et table sur un retour de l'inflation à 2% d'ici 2027, ce qui laisserait une marge de manoeuvre pour ajuster les taux et soutenir le marché du travail.

Collins, présidente de la Fed de Boston, a expliqué quant à elle à l'instant qu'une politique monétaire légèrement restrictive était appropriée à l'heure actuelle, et qu'elle était hésitante à aller trop loin en matière de baisse des taux alors que l'inflation reste élevée.

Logan, patronne de la Fed de Dallas, a affirmé ce jour que la Fed devrait maintenir ses taux stables pendant un certain temps, afin "d'évaluer le degré de restriction". Elle juge l'inflation encore trop élevée. Lors d'une intervention à Zurich, elle a également jugé que la réduction des taux d'octobre n'était alors pas justifiée compte tenu de l'inflation élevée et d'un marché de l'emploi à peu près équilibré. A moins que les conditions n'évoluent, elle n'envisage donc pas non plus de baisse des taux en décembre.

Jefferson, vice-président de la Fed, a estimé aujourd'hui que la flambée des cours des actions de l'intelligence artificielle n'était probablement pas une répétition du boom boursier des années 1990 (bulle Internet) qui s'était terminé par un krach, en grande partie parce que les entreprises liées à l'IA seraient bien établies et feraient déjà des bénéfices. Il a souligné que le système financier restait sain et résilient. A l'occasion d'une intervention pour une conférence de la Fed de Cleveland, il a indiqué que les entreprises d'IA n'avaient jusqu'à présent pas eu recours de manière intensive au financement par l'emprunt. Un recours limité à l'effet de levier pourrait selon lui "réduire la propagation d'une évolution de la perception de l'IA à l'ensemble de l'économie via les marchés du crédit". Mais si les futurs investissements dans l'infrastructure d'IA nécessitent davantage d'endettement, "l'effet de levier dans le secteur de l'IA pourrait augmenter, tout comme les pertes potentielles en cas d'évolution de la perception de l'IA". Il juge que l'IA pourrait transformer le monde de manière radicale et tumultueuse, même s'il est encore trop tôt pour en déterminer précisément les conséquences.

Sur le front politique, CNN croit savoir que Trump préparerait un possible remaniement de l'équipe gouvernementale pour la première année de son second mandat à la Maison Blanche. Pourraient notamment être visés le département de Sécurité intérieure ou celui de l'Énergie dirigé par Chris Wright.

Dans l'actualité commerciale, Trump a encore étendu les allégements tarifaires sur les produits brésiliens, dans le cadre de mesures visant à réduire le coût de certains produits de consommation et une semaine après la signature d'un décret similaire réduisant plus largement les droits de douane sur des produits tels que le boeuf, les tomates, le café et les bananes. Ces dernières semaines, Trump a également évoqué la possibilité d'un "dividende" pour de nombreux Américains, sous la forme d'un chèque de 2.000$, en utilisant les recettes des tarifs douaniers, "probablement vers le milieu de l'année prochaine ou un peu plus tard".

Les indicateurs PMI préliminaires américains de novembre se sont affichés très proches des anticipations des économistes. L'indice manufacturier s'est établi ainsi à 51,9 contre 52 de consensus, tandis que le PMI des services est ressorti à 55, comme attendu. L'indice composite préliminaire s'est affiché à 54,8, contre 54,6 pour la lecture finale d'octobre, signalant toujours une nette expansion de l'activité aux États-Unis.

L'indice final du sentiment des consommateurs américains de l'Université du Michigan pour le mois de novembre est ressorti à 51, en ligne avec le consensus des économistes de la place, contre une lecture préliminaire de 50,3.

Les valeurs

Intuit (+4,8%), la firme américaine qui développe des solutions de gestion et de comptabilité à destination des petites entreprises, experts-comptables ou particuliers, a publié hier soir un premier trimestre fiscal supérieur aux attentes de marché, affichant un bénéfice ajusté par action de 3,34$, contre un consensus de 3,1$ et un niveau de 2,5$ un an avant. Le groupe aux produits TurboTax et QuickBooks a réalisé des revenus trimestriels de 3,89 milliards de dollars, également nettement supérieurs aux attentes, contre 3,28 milliards de dollars pour la période correspondante de l'an dernier. Sur le trimestre entamé, le bpa ajusté est attendu entre 3,63 et 3,68$, pour des revenus en croissance de 14-15%. Le bpa ajusté annuel est anticipé entre 22,98 et 23,18$, pour des revenus allant de 20,997 à 21,186 milliards de dollars, en croissance de 12 à 13%.

Ross Stores (+6,3%), le 2e distributeur américain d'articles d'habillement et d'accessoires de grandes marques à prix réduits, grimpe à Wall Street au lendemain de sa publication trimestrielle. Le groupe a dépassé les attentes sur le trimestre clos et affiche une guidance robuste pour la saison des fêtes de fin d'année. Sur son 3e trimestre, le groupe a réalisé un bpa ajusté de 1,58$ à comparer à un consensus de 1,4$, pour des revenus de 5,6 milliards de dollars (+10%) également meilleurs que prévu. Le bénéfice net a représenté 512 millions de dollars sur ce trimestre clos début novembre. Les ventes à comparable ont augmenté de 7%.

Veeva (-11,3%), groupe software américain qui fournit des solutions dans le cloud à l'industrie pharmaceutique, décroche à Wall Street, malgré des résultats du 3e trimestre supérieurs aux attentes et des prévisions révisées en hausse. Sur le trimestre clos, le groupe a dégagé un bénéfice ajusté par action de 2,04$ à comparer à un consensus de 1,95$, tandis que ses revenus ont atteint 811 millions de dollars (+16%), également meilleurs que prévu. Sur le 4e trimestre fiscal, le bpa ajusté est attendu à 1,92$ pour des revenus allant de 807 à 810 millions de dollars. Le groupe vise un bpa annuel de 7,93$ et des revenus de 3,166-3,169 milliards de dollars.

Copart (-2,1%), l'un des principaux fournisseurs mondiaux de services de vente aux enchères et de revente de véhicules en ligne, recule à Wall Street après les comptes. Pour son premier trimestre fiscal, le groupe a réalisé un bpa ajusté de 41 cents, légèrement au-dessus du consensus, contre 37 cents un an avant. Les revenus ont en revanche raté le consensus, à 1,16 milliard de dollars contre 1,15 milliard pour la période comparable de l'an dernier. Le groupe souffre d'une trop faible demande en véhicules d'occasion. Les revenus du segment services ont progressé timidement de 0,6% à 992 millions de dollars. Le bénéfice net part du groupe a été de 404 millions de dollars.

Gap (+4,9%), l'enseigne de vêtements basée en Californie, a relevé ses prévisions financières suite à un 3e trimestre meilleur que prévu. Pour le trimestre clos, le bénéfice ajusté par action a atteint 62 cents, contre 58 cents de consensus et 72 cents un an avant. Les revenus ont totalisé 3,94 milliards de dollars, légèrement supérieurs aux attentes, contre 3,83 milliards pour la période correspondante de l'an dernier. Les ventes à comparable de Gap se sont appréciées de 5% en glissement annuel, soit le 7e trimestre consécutif dans le vert de ce point de vue. Le groupe envisage désormais une croissance de 1,7 à 2% du chiffre d'affaires annuel, soit une révision à la hausse du bas de fourchette. La marge opérationnelle est anticipée maintenant à 7,2%, en tenant compte d'un impact des tarifs douaniers attendu à 100-110 points de base.

Du côté des 'Mag 7', malmenés ces dernières séances, Nvidia trébuche encore de 3%, tandis qu'Alphabet prend 2,7%. Meta cède 0,4% et Tesla abandonne 1,4%. Amazon consolide de 0,3%. Apple s'accorde 1,5%. Microsoft perd 1,2%.

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