Wall Street s'est repris mardi après le plongeon de 3% du Nasdaq la veille dans le sillage de l'effet DeepSeek.... Le S&P 500 est remonté de 0,92% à 6.067 pts, alors que le Dow Jones a progressé de 0,31% à 44.850 pts. Le Nasdaq a rebondi de son côté de 2,03% à 19.733 pts. Les opérateurs ont digéré assez vite l'onde de choc venue de l'émergence du modèle d'intelligence artificielle chinois à bas prix : DeepSeek... Le narratif d'une IA américaine conquérante et dominante n'a visiblement pas dit son dernier mot, plusieurs spécialistes ayant remis en question les véritables coûts avancés par le groupe chinois pour développer son application qui seraient bien supérieurs au 6 M$ évoqués initialement...
"Les valorisations boursières restent élevées et, même si des vulnérabilités étaient attendues cette année, des développements comme DeepSeek soulignent la nécessité d'une diversification au-delà du Mag Seven", a expliqué à 'CNBC' Seema Shah, stratège chez Principal Asset Management. "Le thème de l'exceptionnalisme américain pour 2025 est désormais confronté à l'incertitude, les inquiétudes persistantes concernant les tarifs douaniers et l'inflation s'ajoutant aux défis du marché".
Dans un tout autre registre, la réunion de la Fed a débuté mardi... La Banque centrale américaine, pressée par Donald Trump de baisser ses taux, devrait toutefois opter pour le statu quo mercredi soir et laisser ses taux inchangés entre 4,25 et 4,50%. Selon l'outil CME FedWatch, la Fed a encore moins de 28% de chances de réduire ses taux de 25 points de base lors de la réunion du 19 mars prochain. "Nous estimons qu'une pause est probable lors de la réunion de la semaine prochaine et des deux réunions suivantes, car le comité attend de voir plus clairement les politiques mises en place par la nouvelle administration et leurs effets sur l'économie", a commenté Barclays.
Les opérateurs continuent pendant ce temps de scruter les déclarations de Donald Trump sur les tarifs douaniers... Le président a souligné qu'il souhaitait mettre en place des tarifs douaniers "bien plus élevés" que 2,5%, le dernier signal indiquant qu'il prépare des hausses généralisées pour remodeler les chaînes d'approvisionnement américaines. "J'ai en tête ce que cela va être, mais je ne le fixerai pas encore, mais ce sera suffisant pour protéger notre pays", a déclaré D. Trump à la presse lundi soir... Interrogé sur un rapport selon lequel le nouveau secrétaire au Trésor Scott Bessent serait favorable à un taux mondial de 2,5%, le milliardaire a déclaré qu'il ne pensait pas que M. Bessent soutenait cette idée et qu'il ne la soutiendrait pas lui-même... "Alors que les tarifs douaniers sur les autres pays augmentent, les impôts sur les travailleurs et les entreprises américaines baisseront et un grand nombre d'emplois et d'usines reviendront aux États-Unis", a ajouté le dirigeant républicain.
Dans l'actualité macro du jour, l'indice manufacturier régional de la Fed de Richmond pour le mois de janvier est ressorti à -4, contre -13 de consensus, et-10 un mois avant. Un indicateur négatif signale une contraction de l'activité manufacturière dans la région considérée. L'indice de confiance du consommateur s'est par ailleurs établi à 104,1 contre 104,7 en décembre, et un consensus logé à 105,7.
Les commandes nouvelles de biens durables pour le mois de décembre 2024 sont de leur côté ressorties en baisse de 2,2% en comparaison du mois antérieur, contre +0,3% de consensus et -2% pour la lecture révisée du mois antérieur. Les commandes 'core' ont néanmoins augmenté de 0,3% d'un mois sur l'autre, contre +0,4% de consensus et -0,1% en novembre.
Sur le front des entreprises, SAP, RTX, Stryker, Boeing, Lockheed Martin, Starbucks, Chubb, Paccar, General Motors, Royal Caribbean, Kimberly-Clark ou Sysco étaient sur le pont mardi en attendant Microsoft, Meta et Tesla mercredi soir. La croissance des bénéfices des plus grandes entreprises technologiques devrait atteindre le rythme le plus lent depuis près de deux ans lors de cette saison de résultats.
Sur le Nymex, le baril de brut WTI reprend 0,9% à 74$. L'once d'or fin avance de 0,8% à 2.760$. L'indice dollar gagne 0,5% face à un panier de devises à 107,7 points. Enfin, le bitcoin remonte de 2%, proche des 103.000$.
Les valeurs
* Nvidia remonte de 8,9% après un plongeon historique de 17% hier soir à Wall Street... La star de l'IA a ainsi effacé 593 milliards de dollars de capitalisation boursière en une seule journée, un record ! Une chute vertigineuse en lien avec le buzz autour de DeepSeek, fondé par un dirigeant de fonds quantitatif, Liang Wenfeng. Son modèle serait considéré comme compétitif par rapport aux dernières offres d'OpenAI, Google ou Meta... A peine lancé, le produit s'est affiché en tête sur l'App Store US d'Apple, et a suscité les louanges de certains investisseurs spécialisés ou spécialistes technologiques... Le directeur général d'OpenAI, Sam Altman, l'a qualifié de "modèle impressionnant". "Nous fournirons évidemment de bien meilleurs modèles et il est tout à fait stimulant d'avoir un nouveau concurrent", a déclaré M. Altman, qui dirige la société d'IA à l'origine de ChatGPT, dans un message publié sur les réseaux sociaux. En attendant, certains investisseurs s'inquiètent désormais du fait que la domination américaine dans l'IA pourrait ne pas être si évidente, malgré les dizaines de milliards de dollars d'investissements engloutis par les plus grands groupes américains, en particulier Microsoft (+2,2%), Meta (+2,2%), Apple (+3,6%) ou Alphabet (+1,8%). D'autant plus que la semaine dernière, le président Trump a annoncé le projet Stargate AI, qui prévoit d'investir immédiatement 100 milliards de dollars pour construire des centres de données et d'autres infrastructures aux États-Unis - avec le financement de SoftBank, Oracle, OpenAI et MGX - afin d'alimenter l'intelligence artificielle générative. Le projet comprend 400 Mds$ supplémentaires de dépenses au cours des quatre prochaines années...
* Boeing (+1,5%) a dévoilé des comptes trimestriels bien rouge, marqués par l'accord avec l'IAM (International Association of Machinists), les charges liées à certains programmes du segment Défense, Espace et Sécurité et les coûts associés aux réductions d'effectifs annoncées l'année dernière. Sur le quatrième trimestre, le géant de l'aéronautique essuie ainsi une perte nette de 3,86 milliards de dollars, soit 5,46$ par titre, pour un chiffre d'affaires de 15,2 milliards de dollars. La perte ajustée ressort à 4,042 Mds$ avec un cash-flow opérationnel négatif à hauteur de 3,5 Mds$. L'entreprise a brûlé un total de 14,3 milliards de dollars de cash au cours d'une année marquée par une quasi-catastrophe sur un 737 Max en vol, des turbulences au sein de la direction, des enquêtes fédérales et une longue grève des salariés. La perte annuelle s'établit à 11,83 Mds$, la plus importante depuis 2020. Après avoir engrangé des bénéfices records dans les années 2010, Boeing a perdu plus de 30 milliards de dollars depuis 2019... Dans le segment commercial, le groupe de Seattle a livré 348 appareils en 2024 avec des commandes nettes de 279 unités. La société a progressé dans son redressement, en ajustant ses usines et sa base de fournisseurs pour des niveaux de production plus élevés à l'avenir, et en s'attaquant aux programmes de défense déficitaires, a déclaré Kelly Ortberg dans une note aux employés. "Nous nous préparons également à la voie à suivre en continuant à investir dans nos activités principales tout en rationalisant notre portefeuille dans des domaines qui ne sont pas essentiels à notre avenir", a indiqué le DG, qui a pris ses fonctions en août à la suite d'un remaniement de la direction.
* Royal Caribbean flambe de 12%. 2025 s'annonce comme "une autre grande année", avec une hausse attendue de près de 23% du bénéfice ajusté. La société prévoit un bénéfice annuel largement supérieur aux attentes de Wall Street, grâce à une augmentation des réservations, à des prix records, mais aussi à l'introduction de croisières fluviales dans ses offres de vacances. La société table sur un bénéfice par action ajusté 2025 compris entre 14,35 et 14,65 dollars, contre un consensus logé à 14,41 dollars, selon les données compilées par LSEG. Un nombre record de 19 millions d'Américains devraient partir en croisière cette année, soit une augmentation de 4,5% par rapport à 2024, a prévu lundi le groupe de voyages AAA. Royal Caribbean a transporté 2,2 millions de passagers au quatrième trimestre, soit 11,3 % de plus qu'il y a un an.
* RTX, major de l'aérospatiale et de la défense, grimpe de 2,6%, sur un nouveau sommet. Le groupe a dépassé les attentes du marché au quatrième trimestre, bénéficiant de la demande pour ses pièces d'avion et ses services de réparation de la part de compagnies aériennes qui utilisent des avions plus anciens et nécessitant plus d'entretien pour faire face à une pénurie d'appareils. Le bpa ajusté a atteint 1,54$ sur la période contre un consensus de 1,38$, pour un chiffre d'affaires de 21,62 milliards de dollars, en hausse de 9% (20,54 Mds$ attendus). Le cash-flow opérationnel a atteint 1,6 milliard de dollars sur le trimestre et le free cash-flow 0,5 Md$. Le backlog du groupe totalise désormais 218 milliards de dollars. Le bénéfice par action ajusté pour 2025 devrait se situer entre 6 et 6,15 dollars, le point médian étant à peu près conforme aux estimations de 6,07$. Les ventes ajustées sont attendues entre 83 et 84 Mds$, dont une croissance organique de 4 à 6%.
* Jetblue chute de 25,7% à New York malgré des résultats meilleurs que prévu... Sur les trois mois clos fin décembre, la compagnie aérienne a fait état d'une perte ajustée de 72 millions de dollars ou 21 cents par action, contre un consensus de 31 cents, pour un chiffre d'affaires de 2,28 milliards de dollars, légèrement supérieur aux attentes des analystes. Les opérateurs sanctionnent les perspectives de coûts du transporteur pour l'ensemble de l'année en cours puisque ces derniers augmenteront jusqu'à 7%, soit nettement plus que prévu. La marge opérationnelle ajustée est anticipée entre 0 et 1% sur l'exercice tandis que les capacités devaient être stables.
* General Motors plonge de 8,8% malgré la publication de résultats et d'une prévision de bénéfice pour 2025 supérieurs aux attentes. Le constructeur automobile, qui continue de tirer parti d'une forte demande pour ses camions et SUV, a dégagé un bpa ajusté de 1,92$ sur le trimestre clos fin décembre pour un chiffre d'affaires de 47,7 milliards de dollars. Le groupe a enregistré un bénéfice avant impôt de 2,5 Mds$ au cours du trimestre, mais une perte nette de 3 Mds$, principalement en raison de charges de restructuration de 4 Mds$ en Chine, où la société a perdu 4,4 Mds$ sur l'exercice. GM prévoit un bénéfice net de 11,2 à 12,5 milliards de dollars pour 2025, dépassant les attentes des analystes qui tablaient sur 10,8 Mds$. Ces prévisions ne tiennent cependant pas compte des droits de douane, des réductions des incitations en faveur des véhicules électriques et des modifications fiscales que Donald Trump a menacé d'imposer. GM est en effet l'un des constructeurs automobiles les plus exposés aux projets du président américain, le groupe ayant investi massivement dans les véhicules électriques et possédant des sites de fabrication au Mexique et au Canada, pays menacés par les droits de douane américain. L'Ebit ajusté est anticipé entre 13,7 et 15,7 Mds$ et le free cash-flow automobile entre 11 et 13 Mds$. Les ventes robustes de véhicules aux États-Unis, qui sont le marché le plus rentable de l'entreprise, maintiendront les marges et les flux de trésorerie à un niveau élevé. Le constructeur a également stoppé l'hémorragie en Chine, mettant fin à une série de trois trimestres consécutifs de pertes avec un faible bénéfice. General Motors n'a par ailleurs pas atteint son objectif de produire et de vendre 200.000 véhicules électriques en Amérique du Nord en 2024, avec seulement 189.000 unités, a déclaré le directeur financier, Paul Jacobson, lors d'une conférence de presse.
* Lockheed Martin chute de 9,1% après avoir prévu un bénéfice 2025 inférieur aux attentes de la place, alors que le géant de la défense est aux prises avec des retards de déploiement d'une mise à niveau technologique sur le F-35, soulignant un ton prudent pour l'année dans un contexte de tensions mondiales croissantes. La société basée à Bethesda, dans le Maryland, anticipe un bénéfice par action compris entre 27 et 27,30 dollars en 2025, contre un consensus de 27,92$, pour des revenus allant de 73,75 à 74,75 Mds$ (74 Mds$ de consensus). Lockheed a affiché un bénéfice net de 527 millions de dollars sur le trimestre clos, soit 2,22$ par titre, en baisse de 71% par rapport à l'année dernière, alors qu'elle a enregistré 1,29 milliard de dollars de pertes liées aux programmes classifiés de ses unités commerciales aéronautiques, missiles et contrôle de tir. Les ventes totales ont atteint 18,62 Mds$ sur le trimestre, également inférieures aux attentes, tandis que le free cash-flow a fondu de 71% à 441 M$. Les fabricants d'armes devraient bénéficier d'un coup de pouce sous l'administration de Donald Trump, qui devrait augmenter les dépenses de défense... Les entreprises de l'industrie connaissent une forte demande d'armement en raison de la guerre entre la Russie et l'Ukraine et des conflits au Moyen-Orient, mais elles ont du mal à répondre à la demande dans un contexte de reprise plus lente des problèmes d'approvisionnement liés à la pandémie. Lockheed Martin pourrait également souffrir des ambitions d'Elon Musk qui a critiqué les programmes de défense hérités comme l'avion de combat F-35 tout en appelant à la production en masse de drones, de missiles et de sous-marins sans équipage moins chers et alimentés par l'IA.