Wall Street rattrapé par les tensions entre Washington et Pékin

Wall Street fléchit avant bourse ce mercredi, le S&P 500 abandonnant 0,5%, le Dow Jones 0,7% et le Nasdaq 0,6%, alors que des tensions semblent persister sur le front commercial entre Washington et Pé...

Wall Street fléchit avant bourse ce mercredi, le S&P 500 abandonnant 0,5%, le Dow Jones 0,7% et le Nasdaq 0,6%, alors que des tensions semblent persister sur le front commercial entre Washington et Pékin, après la récente trêve qui a ramené pour 90 jours les droits de douane sur des niveaux plus raisonnables. Les entreprises et les dirigeants continuent par ailleurs de mettre en garde contre les premiers effets des droits de douane. Jamie Dimon, emblématique patron de JP Morgan, a indiqué en début de semaine que les marchés sous-estimaient l'impact à long terme des droits de douane, évoquant même une "extrême complaisance". Jane Fraser, patronne de Citigroup, a elle aussi souligné que les entreprises retardaient leurs investissements face à l'incertitude liée aux tarifs douaniers de Trump.

Sur le Nymex, le baril de brut WTI gagne 1,4% à 62,9$. L'once d'or fin avance de 0,2% à 3.296$. L'indice dollar rend 0,5% face à un panier de devises de référence. Le bitcoin se rapproche des sommets dans la zone des 107.000$. Sur les marchés obligataires, le rendement du T-Bond américain à dix ans se tend à 4,54%. Le rendement du '30 ans' dépasse les 5%.

La trêve commerciale entre les États-Unis et la Chine avait initialement rassuré les marchés, mais elle demeure fragile. Ainsi, le ministère chinois du Commerce a annoncé ce jour qu'il engagerait des poursuites contre toute organisation ou personne aidant les États-Unis à déconseiller l'utilisation des semi-conducteurs avancés chinois. Le Département américain au Commerce avait averti précédemment que l'utilisation des puces Huawei partout dans le monde constituerait une violation des contrôles à l'exportation américains, avant de retirer ensuite cette référence. Hier, des rapports ont indiqué que les expéditions chinoises d'iPhones et d'appareils mobiles d'Apple vers les États-Unis avaient chuté en avril à leur plus bas niveau depuis 2011, montrant l'impact très fort de la guerre commerciale sur les échanges entre les deux superpuissances.

Dans un autre registre, celui de la défense, la Chine s'est dite extrêmement préoccupée par le projet américain de bouclier antimissile, demandant aux USA d'y renoncer. Trump a annoncé hier avoir choisi l'architecture de ce projet de 175 milliards de dollars, désigné sous le nom de "Dôme d'or", le présentant comme une protection contre la Chine ou la Russie. Ce bouclier antimissile serait composé d'un vaste réseau de satellites chargés de détecter, suivre ou intercepter des missiles tirés en direction des États-Unis. Le projet américain a de "fortes implications offensives" et accroît le risque de course aux armements et de militarisation de l'espace, selon la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, citée par Reuters.

Wall Street avait plutôt bien résisté en début de semaine face à la dégradation pourtant historique de l'agence de notation Moody's, privant les USA de leur triple A. L'agence a abaissé vendredi soir sa note de la dette américaine de 'Aaa' à 'Aa1', indiquant que la dette des États-Unis et ses intérêts seraient bien plus élevés que d'autres dettes souveraines bénéficiant d'une note comparable. Scott Bessent, le secrétaire au Trésor, a tenté de minimiser l'affaire en évoquant un "indicateur à retardement" et en attribuant la faute à l'administration de Joe Biden...Pourtant, Moody's a aussi désigné la proposition de loi budgétaire actuellement discutée au Congrès. Elle était la dernière des trois grandes agences de notation à maintenir le triple A américain, mais sa perspective associée était négative depuis la fin de l'année 2023 - perspective désormais stable. Moody's précise que les administrations américaines successives et le Congrès n'arrivent pas à se mettre d'accord sur des mesures pour s'attaquer aux déficits budgétaires et aux dépenses d'intérêt.

Du côté de la Fed, les avis de responsables se succèdent cette semaine. Raphael Bostic, le dirigeant de la Fed d'Atlanta, juge que la banque centrale américaine ne devrait réduire ses taux qu'une fois cette année, alors qu'il faudra selon lui trois à six mois avant de connaître l'impact des mesures politiques. Il n'exclut pas toutefois un peu d'anticipation de la part de la Fed, si les négociations commerciales accélèrent et que les tarifs douaniers sont réduits plus qu'attendu, ce qui lèverait en partie le risque du côté de l'inflation... John Williams, le patron de la Fed de New York, suggère pour sa part que les banquiers centraux américains ne sont pas prêts à baisser les taux, du moins pas avant septembre, du fait des perspectives économiques incertaines... Alberto Musalem, le président de la Fed de St. Louis, affirme que la politique monétaire est actuellement bien positionnée et que les tarifs douaniers pèseront probablement sur l'économie américaine et affaibliront le marché du travail...

Ce mercredi, les opérateurs suivront l'indice des anticipations d'inflation de la Fed d'Atlanta du mois de mai (16 heures) et le rapport hebdomadaire sur les stocks pétroliers domestiques pour la semaine close le 16 mai (16h30). Thomas Barkin de la Fed reprendra la parole dans la journée.

Demain, programme un peu plus étoffé avec les inscriptions hebdomadaires au chômage pour la semaine close le 17 mai (14h30, consensus 230.000), l'indice d'activité nationale de la Fed de Chicago du mois d'avril (14h30), l'indice flash PMI composite du mois de mai (15h45, consensus FactSet 51,1 pour l'indice composite et 51,5 dans les services), ainsi que les reventes de logements existants d'avril (16 heures, consensus 4,1 millions environ) et que l'indice manufacturier régional de la Fed de Kansas City pour le mois de mai (17 heures).

Enfin, vendredi, les opérateurs suivront les ventes de logements neufs d'avril (16 heures, consensus 690.000) ainsi qu'une intervention de la gouverneure Lisa Cook de la Fed - en attendant Jerome Powell dimanche lors de la cérémonie de remise des diplômes de l'Université de Princeton dans le New Jersey.

Dans l'actualité des entreprises cotées à Wall Street, Palo Alto Networks, Toll Brothers ou Keysight ont publié hier soir leurs derniers comptes. TJX Companies, Lowe's, Medtronic, Snowflake, Target, Baidu et Zoom Communications, annoncent ce jour. Intuit, Analog Devices, Copart, Ross Stores, Deckers Outdoor, Autodesk, Ralph Lauren, BJ's Wholesale et Workday, publieront leurs résultats demain.

Les valeurs

Nvidia. Les contrôles américains à l'exportation de puces d'IA vers la Chine ont été un échec et ont coûté des milliards de dollars de ventes perdues aux entreprises américaines, a déclaré ce jour Jensen Huang, patron de Nvidia, cité notamment par Reuters. Huang vise la règle de diffusion de l'IA mise en place par l'administration Biden, limitant les exportations de puces d'IA sophistiquées en divisant le monde en trois zones, la Chine étant totalement bloquée. L'administration Trump a annoncé son intention de modifier ces règles... "Les hypothèses fondamentales qui ont initialement conduit à la règle sur la diffusion de l'IA se sont avérées fondamentalement erronées", a asséné Huang, qui apprécie en revanche le virage pris par l'administration Trump.

Le blocage américain des ventes de puces d'IA avancées à la Chine a contraint les entreprises chinoises à acheter des semi-conducteurs à des concepteurs chinois comme Huawei, tout en incitant la Chine à investir massivement pour développer une chaîne d'approvisionnement indépendante de fabricants étrangers, rappelle Reuters. Huang a déclaré que malgré les contrôles américains, la recherche se poursuivait, ce qui nécessite d'importants capitaux pour acquérir l'infrastructure d'IA nécessaire.

Lors du salon Computex à Taipei, Huang a salué l'approche de Trump en matière d'IA et a déclaré qu'en levant les restrictions antérieures, le président avait démontré qu'il comprenait que les entreprises américaines n'étaient pas les seules à fournir cette technologie. Depuis le début de l'administration Biden, la part de marché de Nvidia en Chine serait passée de 95% à 50% selon Huang. L'administration Trump envisage fort heureusement d'abandonner l'approche progressive des restrictions à l'exportation de puces et de la remplacer par un régime mondial de licences avec des accords intergouvernementaux.

Alphabet, maison-mère de Google, a annoncé hier un certain nombre d'accomplissements et de nouveautés. Notons d'abord que l'application Gemini AI afficherait désormais plus de 400 millions d'utilisateurs actifs mensuels, selon les déclarations du DG du groupe Sundar Pichai durant une conférence de presse. Gemini n'est donc pas si loin de ChatGPT, qui disposerait d'environ 600 millions d'utilisateurs actifs mensuels d'après des documents produits par Google en mars.

Google vient aussi d'annoncer, lors de la conférence de développeurs Google I/O 2025, l'outil "Flow" de vidéo alimenté par l'IA. Alphabet évoque un trio de modèles d'IA, Veo pour la génération vidéo, Imagen pour la génération d'image, et Gemini pour le texte, qui alimentent tous l'outil Flow... Google s'allie par ailleurs à Warby Parker et Gentle Monster pour le développement de lunettes intelligentes sur Android XR, tout en étendant son partenariat existant avec Samsung dans ce domaine... Lors de la conférence californienne, Google a présenté aussi Stitch, un outil basé sur l'IA pour aider à concevoir des interfaces Web et d'applications mobiles en générant les éléments d'interface utilisateur et le code nécessaires. Parmi les autres innovations, le groupe a apporté la traduction vocale en temps réel à Google Meet et annoncé SynthID Detector, un outil de vérification pour aider à identifier le contenu généré par l'IA...

Palo Alto Networks, géant californien de la sécurité informatique, perd du terrain avant bourse à Wall Street. Le groupe a publié hier soir au titre de son troisième trimestre fiscal clos en avril des revenus de 2,29 milliards de dollars en progression de plus de 15%, pour un bénéfice par action de 80 cents à comparer aux 66 cents de l'an dernier. Ainsi, revenus et bénéfices dépassent le consensus, ce qui ne suffit visiblement pas au marché. Le groupe livre par ailleurs une guidance en ligne avec les anticipations de brokers.

Keysight Technologies, le fournisseur américain d'équipements et logiciels de test et mesure électronique, gagne du terrain avant bourse à Wall Street. Pour son deuxième trimestre, le groupe a réalisé un bénéfice ajusté par action de 1,70$, au-dessus des attentes, pour des revenus en augmentation de 7,4% à 1,31 milliard de dollars, également meilleurs que prévu. Le groupe se permet par ailleurs de relever ses estimations annuelles de croissance des revenus dans le milieu de la fourchette de croissance de long terme anticipée à 5-7%. Il prévoyait auparavant une croissance dans le bas de cette fourchette sur l'année.

Toll Brothers, le groupe américain de construction résidentielle et commerciale, progresse vivement avant bourse à Wall Street. Toll a réalisé pour son deuxième trimestre clos en avril des revenus de 2,74 milliards de dollars en retrait de 3,5%, mais bien au-dessus des anticipations d'analystes, tandis que son bénéfice ajusté par action s'est établi à 3,50$ contre 3,38$ un an avant, lui aussi nettement supérieur aux attentes. Le bénéfice net trimestriel du constructeur de Pennsylvanie a représenté 352 millions de dollars.

Baidu, le géant chinois de l'Internet, coté à Wall Street, a annoncé pour son premier trimestre fiscal un bénéfice voisin de 1,06 milliard de dollars, ainsi qu'un bénéfice ajusté par action de 2,55$ à comparer à un consensus de moins de 2$. Les revenus ont totalisé 4,47 milliards de dollars pour la période close, contre un consensus de 4,3 milliards de dollars selon nos calculs. Le chiffre d'affaires de Baidu Core a progressé de 7%, porté par l'accélération de l'activité AI Cloud, qui a bondi de 42%.

Medtronic, le géant des dispositifs médicaux, a confirmé son intention de scinder son activité diabète en une société autonome, afin de se concentrer sur les moteurs de croissance à plus forte marge. La séparation devrait être finalisée dans un délai de 18 mois, par le biais d'une série d'opérations sur les marchés financiers, avec une introduction en bourse (IPO) suivie d'une scission. Le Wall Street Journal avait évoqué déjà ces plans, ajoutant que l'entité serait dirigée par Que Dallara, patronne de la division diabète, et compterait environ 8.000 employés. Elle serait basée à Northridge, en Californie. Cette activité a généré un chiffre d'affaires de 2,5 milliards de dollars au cours de l'exercice clos en avril 2024.

Par ailleurs, Medtronic a publié ses comptes du quatrième trimestre fiscal, dégageant un bénéfice net de 1,06 milliard de dollars, pour un bénéfice ajusté par action de 1,62$ supérieur de 4 cents au consensus. Les revenus trimestriels ont été de 8,93 milliards de dollars, également au-dessus des attentes des analystes. Sur l'exercice, le groupe a ainsi dégagé un bénéfice de près de 4,7 milliards de dollars pour des revenus de 33,5 milliards. Medtronic prévoit sur l'exercice entamé un bénéfice par action allant de 5,50 à 5,60$.

Target, le détaillant discount américain, a publié pour son premier trimestre fiscal un bénéfice net de plus d'un milliard de dollars, mais le bénéfice ajusté par action, de 1,30$, ressort très nettement inférieur aux attentes puisque le consensus s'établissait à 1,61$. Les revenus ont été de 23,9 milliards de dollars sur la période, également moins élevés que prévu. Les ventes à comparable ont corrigé de 3,8% sur la période, en glissement annuel, contre -1% de consensus.

Le groupe envisage désormais un bénéfice ajusté annuel par action allant de 7 à 9$, sous la pression des tarifs douaniers de Trump et d'un affaiblissement de la confiance des consommateurs. Contrairement à Walmart, qui génère la majeure partie de ses revenus en vendant des produits d'épicerie traditionnels, la majorité de ce que Target vend relève de la catégorie non essentielle (vêtements, articles d'ameublement, produits de beauté...) provenant bien souvent de Chine. Le groupe tablait auparavant sur un bpa ajusté allant de 8,80 à 9,80$ sur l'exercice. Le détaillant anticipe désormais un déclin à un chiffre bas des ventes annuelles.

Lowe's, le challenger de Home Depot dans la distribution de produits liés à la maison, a publié ce jour des résultats meilleurs que prévu pour son trimestre clos, réalisant des revenus en repli de 2% à 20,93 milliards de dollars pour un bénéfice ajusté par action en retrait de 5% à 2,92$, alors que le consensus était de 2,88$. Marvin Ellison, DG du groupe, indique que Lowe's a surmonté l'incertitude de court terme et les vents contraires sur le marché immobilier. Les ventes à comparable ont affiché une baisse contenue de 1,7%, contre -2% de consensus. Le groupe maintient par ailleurs ses estimations pour l'exercice 2025, envisageant des ventes totales allant de 83,5 à 84,5 milliards de dollars, pour une performance à comparable stable ou en hausse jusqu'à 1%.

VF Corp, le groupe aux marques Vans, Supreme, Timberland et The North Face, a annoncé pour son quatrième trimestre fiscal 2025 clos fin mars, une perte ajustée par action de 13 cents et des revenus de 2,14 milliards. Le consensus était de 14 cents de perte ajustée par action pour 2,17 milliards de dollars de revenus.

TJX, le groupe américain de distribution aux chaînes TJ Maxx ou Marshalls, a annoncé pour son premier trimestre fiscal 2026 un bénéfice par action de 92 cents, légèrement supérieur aux attentes, ainsi que des revenus de 13,1 milliards de dollars en augmentation de 5% en glissement annuel, également meilleurs que prévu. La croissance à comparable est ressortie voisine de 3%. Le bénéfice net trimestriel a atteint 1,04 milliard de dollars, un repli limité de 3% en comparaison de l'an dernier. Le groupe confirme ses prévisions pour l'exercice 2026.

UnitedHealth. Selon un rapport du Guardian, le conglomérat américain de soins de santé aurait en effet secrètement versé des milliers de dollars de primes aux maisons de retraite afin de réduire les transferts hospitaliers des résidents malades. Ces actions supposées, qui s'inscrivent dans une série de mesures de réduction des coûts, auraient permis à l'entreprise d'économiser des millions, mais auraient parfois mis en danger la santé des résidents, a rapporté le Guardian, citant une enquête. Le groupe américain avait rappelons-le suspendu plus tôt ce mois ses perspectives et annoncé le départ inattendu de son directeur général. Le CEO Andrew Witty avait démissionné "pour raisons personnelles". Stephen Hemsley, DG du groupe de 2006 à 2017, lui a succédé avec effet immédiat.

Boeing. Le géant aéronautique a annoncé à ses clients qu'il s'approchait d'un objectif de production important pour son 737 MAX, signe que le groupe est de nouveau sur les rails après le terrible accident en vol de l'année dernière. L'avionneur charge ses chaînes d'assemblage final de 737 pour produire 38 appareils à fuselage étroit par mois, soit le maximum autorisé par la Federal Aviation Administration (FAA), a déclaré John Plueger, DG d'Air Lease, cité par Bloomberg.

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