Wall Street ne parvient pas pour l'heure à choisir sa direction, plombé par la guerre commerciale, alors que Pékin vient de répliquer. Après s'être brutalement retournée en baisse hier, effaçant l'intégralité de sa tentative de rallye pour clôturer en fort recul, la place américaine reste donc hébétée suite aux annonces de la Chine. Les tarifs douaniers de 104% appliqués à la Chine sont désormais en vigueur, et la réponse de l'empire du Milieu a été proportionnée aujourd'hui. La Chine vient d'annoncer qu'elle allait infliger aux importations américaines des droits de douane de 84% dès demain. L'escalade se confirme donc dans la guerre commerciale.
Les principaux indices, qui ont déjà perdu de l'ordre de 20% sur leurs récents sommets, tentent de résister malgré l'accumulation de mauvaises nouvelles. Le S&P 500 rend 0,46% à 4.959 pts, alors que le Dow Jones cède 0,61% à 37.417 pts. Le Nasdaq surnage en progression de 0,13% à 15.288 pts avec les 'Mag 7' et en particulier Apple (+3%)ou Tesla (+3%).
Le ministère chinois du Commerce a aussi ajouté ce jour une douzaine d'entreprises américaines à sa liste de contrôle des exportations et six à sa liste des entités non fiables, avec effet jeudi. Les entreprises ajoutées à la liste de contrôle des exportations incluent American Photonics et Novotech. Les entreprises ajoutées à la liste des entités non fiables, notamment Shield AI et Sierra Nevada, se verront interdire toute activité d'importation et d'exportation liée à la Chine, ainsi que tout investissement local... Le ministère a indiqué que le gouvernement chinois devait examiner les accords commerciaux spécifiques et notamment les exportations de technologies, faisant ici référence à la prolongation de 75 jours du délai de cession de TikTok par l'administration Trump 2.0. Pékin dit... s'opposer aux pratiques qui ignorent les lois de l'économie de marché et portent atteinte aux droits et intérêts légitimes des entreprises...
"Ils peuvent augmenter leurs tarifs, et alors ?", a réagi à chaud Scott Bessent, Secrétaire US au Trésor, sur Fox Business. Il indique tout de même que la Chine devrait "se mettre à la table des négociations" et que "l'escalade est une perte pour eux". Interrogé sur une éventuelle sortie de la cote américaine des valeurs boursières chinoises, il explique que "tout est sur la table". Il indique aussi que les USA pourraient approcher la Chine "en tant que groupe avec des alliés". Comprenne qui pourra... Donald Trump a lui posté sur Truth Social un message... de motivation : "C'est un superbe moment pour acheter!!!". On image qu'il parle d'actions plutôt que de cordes.
Les marchés actions US avaient tenté un rallye en début de séance hier, aidés par des échanges supposés fructueux de Trump avec le président de Corée du Sud. Mais alors que l'administration Trump alimente l'espoir d'accords commerciaux avec divers pays, la situation ne se détend donc absolument pas, au contraire, entre Washington et Pékin. Les tarifs douaniers frappant la Chine et 184 autres pays partenaires commerciaux des États-Unis sont désormais en place, et aucun deal concret ne semble poindre. La Chine a affirmé sa volonté de combattre jusqu'au bout.
Les équipes de Trump, en particulier le Secrétaire au Trésor Scott Bessent, souvent décrit comme le seul adulte dans la salle, agitent le début des négociations afin de calmer les marchés. Des évolutions favorables semblent perceptibles notamment du côté du Japon ou de la Corée du Sud, mais les marchés demeurent avant tout préoccupés par la relation Washington-Pékin... Le Canada a annoncé pour sa part de nouveaux droits sur certains véhicules importés US. L'Union européenne, qui fait certes le voeu d'une solution négociée, a aussi lancé des contremesures, alors qu'un tarif de 20% s'applique aux 27 sur plus des deux tiers des exportations européennes aux États-Unis et un autre de 25% sur l'acier, l'aluminium et les voitures.
Les États membres de l'UE viennent de voter en faveur de la proposition de la Commission européenne visant à introduire des contre-mesures commerciales contre les États-Unis. Bruxelles va imposer des droits de douane sur environ 21 milliards d'euros de marchandises américaines en représailles aux droits de douane de 25% imposés le mois dernier par le président Donald Trump sur les exportations d'acier et d'aluminium de l'UE. L'UE considère que les droits de douane américains sont injustifiés et préjudiciables, causant des préjudices économiques aux deux parties, ainsi qu'à l'économie mondiale. L'UE a clairement indiqué sa préférence pour des solutions négociées avec les États-Unis, équilibrées et mutuellement avantageuses, souligne la CE dans un communiqué.
Les droits de douane européens cibleront des États américains politiquement sensibles et incluront des produits tels que le soja de Louisiane, état d'origine du président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, ainsi que les diamants, les produits agricoles, la volaille et les motos, détaille Bloomberg. Ces contre-mesures, qui entreront en vigueur le 15 avril, peuvent être suspendues à tout moment si les États-Unis acceptent une solution négociée juste et équilibrée, précise la CE.
Wall Street est donc en terre inconnue, avec des indices en territoire de "bear market", ce qui d'ordinaire peut donner lieu à un rebond technique. Hélas, la correction n'est peut-être pas terminée, d'autant que les entreprises devraient adapter leurs prix à cette nouvelle donne "tarifaire", compliquant encore la tâche de la Fed qui ne peut intervenir en urgence si l'inflation menace de nouveau de s'envoler. De plus, si l'on s'en tient au critère des multiples de valorisation (PER), le Nasdaq et le S&P 500 restent plutôt dans les normes historiques hautes.
Du côté de la Fed, la présidente de l'antenne de San Francisco Mary Daly intervenait hier à l'Université Brigham Young de Provo, dans l'Utah. Elle a estimé qu'il n'y avait... pas d'urgence à baisser les taux, avec une économie et un marché du travail qu'elle perçoit comme "toujours solides" et une incertitude importante concernant la taille et l'étendue des mesures tarifaires de Trump. Daly est "un peu préoccupée" par le fait que les droits de douane puissent relancer l'inflation au moins temporairement, mais elle juge que la banque centrale aurait donc le temps et la capacité "d'avancer lentement et prudemment".
Ce mercredi, les opérateurs suivront une prise de parole de Thomas Barkin puis les Minutes de la dernière réunion monétaire de la Fed. Lorie Logan, Alberto Musalem et John Williams de la Fed auront aussi leur mot à dire jeudi et vendredi.
Les chiffres de l'inflation américaine des prix à la consommation de mars seront dévoilés jeudi à 14h30 (consensus +0,1% d'un mois sur l'autre et +2,6% sur un an, ou +0,3% et +3% hors alimentaire et énergie). L'indice des prix à la production de mars sera dévoilé vendredi à 14h30 (consensus +0,2% par rapport à février, ou +0,3% hors éléments volatils).
Les anticipations de baisse des taux de la Fed sont fortement remontées. Pour la prochaine réunion des 6 et 7 mai, un geste d'un quart de point est maintenant très envisageable, avec une probabilité de... 43% selon l'outil CME FedWatch - qui donnait auparavant pour presque sûr un statu quo ! Le même outil montre une probabilité de 38% d'une fourchette de 3,25 à 3,50% sur les taux en fin d'année, soit une baisse de 100 points de base. La probabilité d'un assouplissement de 125 points de base est de 26%...
Dans l'actualité des entreprises à Wall Street, Constellation Brands, Delta Air Lines et PriceSmart annoncent aujourd'hui leurs trimestriels, CarMax ou Walgreens Boots Alliance demain. La saison des résultats financiers trimestriels débute vendredi avec les financières JP Morgan, Wells Fargo, BlackRock et Bank of New York Mellon. Une saison qui s'annonce difficile, bon nombre de grands groupes étant susceptibles de réviser ou d'abandonner tout simplement leurs prévisions financières.
Sur le Nymex, le baril de brut WTI plonge de 6% à 56$ ! L'once d'or fin remonte de 3% à 3.072$. L'indice dollar recule de 1% face à un panier de devises. Le bitcoin fléchit vers les 77.000$.
Les valeurs
Delta Air Lines (+6%) vient de publier ses résultats financiers pour le trimestre clos en mars. La compagnie aérienne américaine évoque un solide trimestre en termes de revenus et une forte performance en matière de coûts, ce qui lui a permis de dégager une rentabilité en ligne avec celle de l'an dernier. Delta table pour le trimestre de juin sur une marge opérationnelle allant de 11 à 14% et un bénéfice par action de 1,70 à 2,30$. Le groupe réduit prudemment sa capacité prévisionnelle pour le deuxième semestre à "stable", alignée sur la demande. Sur le trimestre de mars, les revenus ont atteint 14 milliards de dollars, tandis que les revenus ajustés ont été de 13 milliards, pour une marge ajustée de 4,6% et un bpa ajusté de 46 cents. Le cash flow opérationnel a été de 2,4 milliards. Le consensus était de 39 cents de bpa ajusté et 13,5 milliards de revenus sur le T1. Il se situait à 2,23$ de bpa ajusté pour le deuxième trimestre.
Les revenus du deuxième trimestre fiscal sont anticipés entre -2% et +2%. Ed Bastian, le DG du groupe, évoque l'incertitude économique concernant le commerce mondial et un environnement de plus faible croissance. Le groupe entend dans ce contexte protéger ses marges et son cash flow, notamment en réduisant la croissance prévisionnelle de ses capacités et en gérant activement les dépenses. La rentabilité du trimestre de juin est attendue entre 1,5 et 2 Mds$, mais "compte tenu du manque de clarté économique à ce stade", il est prématuré selon le management de fournir des objectifs annuels mis à jour.
Walmart (+3%), le géant américain de la grande distribution, a réaffirmé aujourd'hui ses prévisions financières annuelles de ventes et de croissance du bénéfice opérationnel, avant sa journée investisseurs. Le groupe tablait en février sur une croissance des ventes de 3 à 4% et un bénéfice opérationnel ajusté en augmentation de 3,5 à 5,5%. Pour le premier trimestre, le groupe vise toujours 3 à 4% de croissance du chiffre d'affaires, mais sa guidance de croissance du profit opérationnel va désormais de +0,5 à +2%, le groupe évoquant les risques liés aux tarifs douaniers. "L'éventail des potentialités pour la croissance du résultat d'exploitation du premier trimestre s'est élargi en raison d'un mix de catégories moins favorable, de dépenses plus élevées en sinistres et du désir de maintenir la flexibilité pour investir dans les prix à mesure que les tarifs sont mis en oeuvre", indique le détaillant de de Bentonville, qui maintient donc néanmoins sa guidance de chiffre d'affaires annuel et de croissance du bénéfice opérationnel sur l'exercice.
Verizon (-2%) reste dans le rouge à Wall Street, mais l'opérateur télécom américain vient d'annoncer qu'un assistant IA pour les représentants du service client, conçu avec des modèles Google, aurait permis de réduire les temps d'appel et de libérer les agents pour vendre des produits, entraînant une vive hausse du chiffre d'affaires. Verizon a déployé depuis l'été dernier ses nouvelles fonctionnalités d'IA. Les ventes de son équipe de service forte de 28.000 personnes auraient grimpé de pratiquement 40% depuis le déploiement, selon Sampath Sowmyanarayan, DG du groupe consommateurs de Verizon, cité par Reuters. "Nous procédons à une reconversion en temps réel des agents du service client en agents commerciaux", indique la direction. "Comparé à ce que font d'autres, c'est une échelle énorme", a ajouté Thomas Kurian, DG de Google Cloud, cité par Reuters.