L'idée avancée par François Bayrou d'un référendum sur "un plan d'ensemble" de réduction des déficits, alors que son gouvernement cherche 40 milliards d'euros d'économie à réaliser pour l'année prochaine, a été accueillie avec scepticisme dimanche par la classe politique.
"Il n'y a pas besoin de référendum pour savoir que les Français en ont assez des augmentations d'impôts. Et la seule chose qu'on demande au Premier ministre, c'est d'avoir enfin le courage de s'attaquer au gaspillage de l'argent public", a taclé sur France 3 Laurent Wauquiez, le patron des députés Les Républicains, force qui participe pourtant à la coalition gouvernementale de M. Bayrou.
"On a un Premier ministre qui tergiverse, qui cherche juste à gagner du temps et qui ne décide pas", a-t-il regretté.
"C'est un plan d'ensemble que je veux soumettre, il demandera des efforts à tout le monde, et par l'ampleur qui doit être la sienne, il ne peut réussir si le peuple français ne le soutient pas", a justifié le Premier ministre dans une interview accordée au Journal du Dimanche et parue samedi soir.
Le gouvernement, qui est parvenu à faire adopter les budgets 2025 de l'Etat et de la sécurité sociale en début d'année, en échappant à une série de motions de censure, est désormais engagé dans la préparation du budget pour 2026.
Il estime qu'il lui faut trouver 40 milliards d'euros pour respecter ses objectifs de réduction du déficit public de 5,4% du Produit intérieur brut (PIB) cette année à 4,6% l'an prochain.
Pour M. Bayrou, si son plan de réduction des déficits et de réforme de l'Etat était approuvé par référendum, cela lui confèrerait une forme de légitimité.
Suffisant, espère-t-il, pour faire adopter plus facilement par le Parlement les budgets de l'Etat et de la sécurité sociale.
"Quand on réforme par les voies classiques, par le passage en force, que se passe-t-il ? Le pays entre en grève, les manifestations s'enchaînent", a-t-il plaidé dans les colonnes du JDD.
- Idée "loufoque" -
Peu de chance cependant que cela convainque la gauche, massivement opposée à une réduction des dépenses et qui préfèrerait augmenter les recettes, notamment en taxant les grandes fortunes et les grosses entreprises.
Pour le coordinateur national de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard, interrogé dimanche sur LCI, l'idée du Premier ministre est "loufoque".
"Quelle question allez-vous poser aux gens ? Vous allez leur soumettre un projet de budget, vous allez leur demander s'ils sont pour ou contre ? Mais alors qui va avoir élaboré ce projet de budget, M. Bayrou lui-même ? Vous voyez bien que ça n'a rien de démocratique de manière générale", a-t-il dénoncé.
Aurore Bergé, la ministre chargée de l'Egalité femmes-hommes, membre du parti présidentiel Renaissance, n'y voit pas "forcément une façon de contourner le Parlement". "Ça dépendrait de la question qui serait posée", a-t-elle défendu sur RTL et M6.
A gauche, tous les groupes parlementaires ont voté la censure de François Bayrou l'hiver dernier, sauf les socialistes qui ont ainsi permis au gouvernement de se maintenir. Et sur cette idée d'un référendum, leur position ne semble pas complètement fermée.
"Qu'on interroge les Français sur ce qu'on fait de leur argent, je trouve ça tout à fait sain", a souligné sur Radio J le député PS de l'Eure Philippe Brun, qui avait participé aux négociations avec le gouvernement pour le budget 2025.
Reste que la prérogative de demander leur avis aux Français par référendum appartient seulement au président de la République, qui avait été prévenu de la sortie de cette interview.
"Le Premier ministre évoque un plan de réformes et d'économies et il est difficile de dire quoi que ce soit tant que ce plan n'est pas présenté", a sobrement commenté un proche d'Emmanuel Macron auprès de l'AFP dimanche.
Le référendum tel qu'esquissé par François Bayrou serait le premier de la Cinquième République à porter sur des questions budgétaires. Il apparaîtrait politiquement risqué pour un exécutif au plus bas dans les sondages de popularité.
Les Français ont été consultés pour la dernière fois en 2005, sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Le "non" l'avait emporté mais le président Jacques Chirac avait quand même décidé de ratifier le traité.
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