En terre inconnue face aux chamboulements initiés par Donald Trump, les ministres des Affaires étrangères du G20 se réunissent à partir de jeudi à Johannesburg pour un rendez-vous que l'administration américaine a décidé de sécher.
Premier pays du continent à présider le G20, l'Afrique du Sud doit se passer d'un acteur majeur pour cette première répétition du sommet de novembre, organisé de façon inédite en Afrique. Le chef de la diplomatie des Etats-Unis, Marco Rubio, a refusé de se déplacer après avoir accusé Pretoria d'anti-américanisme.
Après la conférence de Munich marquée par la diatribe anti-européenne du vice-président américain JD Vance puis la rencontre américano-russe de Ryad pour discuter du sort de l'Ukraine en son absence, cette réunion de deux jours à Johannesburg donne à voir la nouvelle partition du concert des nations.
"L'éléphant au milieu de la pièce est le contexte géopolitique de cette réunion", observe auprès de l'AFP Priyal Singh, chercheur à l'Institut pour les études de sécurité à Pretoria. L'absence de Marco Rubio représente un "camouflet pour l'Afrique du Sud", estime-t-il.
"Cela envoie un message symbolique aux Africains: les Etats-Unis ne prennent pas le continent au sérieux", juge William Gumede, professeur de politique à l'université du Witwatersrand.
A son exception, les principaux diplomates du G20 sont attendus: évidemment, les ministres des Affaires étrangères des pays des Brics, proches de Pretoria, à commencer par le Russe Sergueï Lavrov, qui sera aussi accompagné de ses homologues chinois et indien.
Du côté de l'Europe, acculée par la nouvelle politique étrangère américaine, le Français Jean-Noël Barrot ainsi que le Britannique David Lammy effectuent le vol jusqu'en Afrique australe.
Le déplacement sera nettement plus court pour la chargée d'affaires à l'ambassade américaine de Pretoria, Dana Brown, qui fera office de représentante des Etats-Unis.
- "Pas un boycott complet" -
"C'est peut-être à un niveau moindre, mais ils seront représentés. Il ne s'agit pas d'un boycott complet du G20 en Afrique du Sud", a retenu le chef de la diplomatie sud-africaine Ronald Lamola mercredi.
Au milieu du tapage des négociations de Washington avec Moscou sur l'Ukraine, l'Afrique du Sud risque de peiner à faire entendre son programme autour de la croissance inclusive et de l'innovation financière pour permettre aux pays accablés par la dette et les conséquences du dérèglement climatique de se développer.
"On s'attend à ce qu'il soit question d'un certain nombre de développements dans le monde, sur le continent africain, au Moyen-Orient, en Europe, de guerres et de certains conflits en cours", a reconnu mercredi le négociateur sud-africain pour le G20 Xolisa Mabhongo.
"Le contexte aura un impact sur la capacité de l'Afrique du Sud à faire passer l'agenda qu'elle cherche à bâtir sur le renforcement de la solidarité entre les membres du G20", confirme Priyal Singh.
D'autant que Pretoria est occupé à limiter les dégâts de sa propre brouille avec Washington, au moment où, paradoxalement, les Etats-Unis se sont rapprochés de la position de l'Afrique du Sud, "ami cher" et "allié précieux" de Moscou, sur la question de l'Ukraine.
Ce mois-ci, le président américain Donald Trump a coupé toute aide financière au pays au moyen d'un décret dénonçant le traitement "injuste" et discriminatoire à l'égard des Afrikaners, les descendants des colons européens.
Son texte citait aussi la plainte pour génocide déposée par Pretoria à l'encontre d'Israël devant la Cour internationale de justice.
L'Afrique du Sud "ne se laissera pas intimider", avait prévenu son président Cyril Ramaphosa le 6 février devant le Parlement.
"La question est de voir comment l'Afrique du Sud peut retourner la situation", analyse William Gumede, "et changer l'absence américaine en opportunité."
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