La semaine dernière, le Népal avait bloqué l'accès à Facebook (Meta) et d'autres réseaux sociaux, reprochant aux plateformes de ne pas respecter les nouvelles règles imposées par le ministère des Communications. Les autorités dénonçaient la diffusion de rumeurs et de discours de haine dans un pays où près de 90% des habitants utilisent Internet. Faute d'enregistrement auprès du ministère et de désignation de représentants locaux avant mercredi, les plateformes risquaient d'être bannies.
Cette décision a toutefois mis le feu aux poudres. Présentée comme une mesure administrative, cette interdiction a été perçue par une grande partie de la population comme une atteinte directe à la liberté d'expression. La colère s'est rapidement cristallisée autour d'un autre sujet sensible : la corruption endémique et le manque d'opportunités économiques, en particulier pour les jeunes.
Les tensions ont culminé lundi, lorsque des manifestants ont tenté de pénétrer dans l'enceinte du Parlement à Katmandou. La police a répondu en tirant des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Dix-neuf personnes ont trouvé la mort et plus d'une centaine ont été blessées. Face à cette situation, le gouvernement de K.P. Sharma Oli a ainsi annoncé la levée de l'interdiction des réseaux sociaux. "Nous avons retiré la suspension des réseaux sociaux. Ils fonctionnent désormais", a confirmé le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, Prithvi Subba Gurung.
Couvre-feu illimité
Mais la levée du blocage n'a pas suffi à calmer la rue. Ce mardi, des manifestants se sont rassemblés devant le Parlement et à Maitighar Mandala, près du bureau du Premier ministre. D'autres ont incendié des pneus sur le Ring Road, la ceinture routière qui encercle Katmandou. Selon les organisateurs, ces mobilisations sont avant tout celles "de la Génération Z", en colère contre la corruption et l'absence de perspectives.
Les autorités ont réagi en imposant un couvre-feu illimité dans la capitale, avec la fermeture des écoles et des commerces et l'interdiction stricte des rassemblements. "Aucune manifestation, rassemblement ou réunion ne sera autorisé pendant le couvre-feu", a précisé l'administrateur du district de Katmandou, Chhabilal Rijal. Dans le district voisin de Lalitpur, une mesure similaire a été décrétée jusqu'à ce mardi minuit.
Cette crise politique fragilise le Premier ministre Oli, 73 ans, en poste pour son quatrième mandat depuis juillet 2024. Deux ministres de son cabinet ont démissionné lundi soir, affirmant ne pas pouvoir rester "pour des raisons morales". Dans une déclaration, le chef du gouvernement a dénoncé "l'ingérence de groupes motivées par leurs propres intérêts" dans les manifestations. Il a toutefois promis des indemnités pour les familles des victimes, la gratuité des soins pour les blessés et la mise en place d'une commission d'enquête dont les conclusions sont attendues sous 15 jours.