Après les annonces de François Bayrou sur les déserts médicaux, nouvelle montée de température dans la Santé: les médecins se mobilisent, entre grève dès lundi et manifestation mardi, contre une proposition de loi de régulation d'installation de leur profession.
Le mécontentement vient d'une proposition de loi transpartisane, à l'initiative de Guillaume Garot (PS), dont l'article phare a été adopté début avril par l'Assemblée nationale, l'examen du reste du texte étant prévu début mai.
Ce texte, qui prône une régulation des installations en faveur des déserts médicaux, provoque la colère des médecins libéraux, étudiants en médecine, internes et jeunes médecins, pour qui ce projet "mettra à mal l'attractivité de la médecine libérale, aujourd'hui le premier rempart du système de santé".
Lucas Poittevin, président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), a lancé le 16 avril un appel à "une grève nationale intersyndicale illimitée à partir du 28 avril".
Le gouvernement, hostile au projet Garot, a allumé un contre-feu vendredi, en présentant comme une alternative à la "fin de la liberté d'installation" un plan de lutte contre les déserts médicaux. Mais la mesure phare mise en avant par François Bayrou - imposer jusqu'à deux jours par mois de temps de consultation aux médecins dans les zones prioritaires du territoire - a aussi braqué certains praticiens.
- "Ça va renforcer la grève" -
"Si c'est une obligation individuelle, je pense que ça va renforcer la grève", prédit même auprès de l'AFP Sophie Bauer, présidente du Syndicat des médecins libéraux (SML).
"Les politiques n'entendent pas", déplore auprès de l'AFP Philippe Cuq, coprésident de l'Union Avenir Spé Le Bloc (syndicat des spécialités médicales et médico-chirurgicales), chagriné par le projet Garot et le plan Bayrou. "La semaine dernière, j'ai fait plusieurs réunions pour leur expliquer. On a été reçu au cabinet (du ministre de la Santé, NDLR). Et ils n'arrivent pas à écrire ça correctement (dans le plan Bayrou, NDLR)", se lasse-t-il.
Pour le député Garot, le principe de consultation avancée deux jours par mois ne répondra pas "à l'ampleur du problème : les zones les moins bien dotées sont rarement à proximité géographique des zones les mieux dotées".
"Bien que le plan d'annonces du gouvernement ait prévu pas mal d'actions pour essayer de lutter contre les déserts médicaux, on va dire que si le Parlement décide de voter cette proposition de loi Garot, la régulation s'appliquera quand même", synthétise pour l'AFP Lucas Poittevin.
Les jeunes médecins, dont il est une des voix, appellent à une grève dure dès lundi, avec fermeture des cabinets. La plupart des syndicats de libéraux installés ne sont pas sur cette ligne, sauf la Fédération des médecins de France (FMF). "Mon cabinet est fermé lundi, mardi, que ce soit moi, mon remplaçant, mes internes", rapporte à l'AFP sa présidente Patricia Lefébure.
- "Faire bouger les politiques" -
Le Syndicat des Médecins Généralistes (MG France, majoritaire chez les libéraux) recommande juste d'aller "manifester auprès des jeunes médecins, parce que c'est eux qui sont visés par le projet Garot", comme le dit à l'AFP sa présidente Agnès Giannotti.
"Nous, on a donné comme consigne lundi, mardi, mercredi d'arrêter les activités. Dans la mesure du possible. Parce qu'on a quand même des contraintes majeures avec des chirurgies programmées", brosse Philippe Cuq. "Je crois qu'il faut, pour faire bouger les politiques, créer un risque. Un risque sanitaire. Il n'y a que ça qui va faire écouter les politiques", avance-t-il.
"Fermer pendant dix jours, jusqu'à l'examen du texte, c'est hors de question, j'ai des patients à prendre en charge", expose pour l'AFP Franck Devulder, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). "En revanche, être en soutien des plus jeunes et des internes, parce que c'est un projet de loi qui vise les jeunes, c'est une évidence", prolonge le responsable.
Comme beaucoup chez les libéraux installés, il appelle "à la grève de la permanence des soins et du service d'accès aux soins jusqu'au retrait de cette proposition". C'est-à-dire une grève des permanences mutualisées la nuit, les weekends et jours fériés.
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