Après un début de séance hésitant, Eutelsat s'envole désormais de près de 20% à 3,39 euros au lendemain de l'annonce de son, très attendu, projet d'augmentation de capital. Ce dernier porte sur 1,35 milliard d'euros. Il sera soutenu par les actionnaires de référence de l'opérateur satellites.
La France, qui financera le gros de l'augmentation de capital et deviendra premier actionnaire du groupe, juge essentiel de soutenir la société pour s'assurer que l'Europe conserve un accès souverain aux infrastructures spatiales sur fond de tensions géopolitiques, a expliqué un responsable du gouvernement. "Cette opération traduit notre volonté forte de soutenir un acteur majeur de la connectivité par satellite, secteur stratégique au coeur de la souveraineté numérique européenne", a ainsi commenté le ministre français de l'Economie, Eric Lombard.
D'autres actionnaires d'Eutelsat, dont le groupe Bharti Space du milliardaire indien Sunil Mittal, la compagnie de transport maritime CMA CGM et le Fonds stratégique de participations, véhicule d'investissements à long terme dont les actionnaires et administrateurs sont les assureurs français, participeront à l'augmentation de capital.
Chez les analystes, les avis sont plutôt mitigés. Bernstein ('performance de marché') explique qu'après l'augmentation de capital réservée, la juste valeur de l'action Eutelsat devrait s'établir à 3,16 euros par action, soit environ 11% de plus que le cours de clôture de jeudi. L'entreprise prévoit d'atteindre un ratio dette nette/Ebitda de 2,5x après les appels au marché et la cession d'actifs d'infrastructures terrestres, ce qui devrait lui offrir une flexibilité financière suffisante pour financer ses importants besoins en investissements. Les perspectives pour l'exercice 2026, soit un chiffre d'affaires stable par rapport à l'année précédente, sont en revanche inférieures aux attentes puisque le consensus anticipait une croissance de 5%.
Pour New Street Research ('vendre'), l'augmentation de capital réservée est relutive pour le cours de l'action car elle est assortie d'une prime, ce qui explique notamment la hausse du jour. Les prévisions pour l'exercice 2026 sont formulées de manière vague et se comparent aux chiffres de l'exercice 2025, non encore publiés, et sont donc "quelque peu sujettes à interprétation". Cela étant dit, les prévisions de revenus et de marge d'Ebitda ajusté sont inférieures aux attentes, tandis que les investisseurs pourraient considérer avec un certain scepticisme des prévisions plus optimistes pour l'exercice 2029 en raison des antécédents douteux de l'entreprise en matière de prévisions à long terme.
Oddo BHF ('neutre') indique que ce plan de redressement financier a de bonnes chances de passer et le scénario du pire s'éloigne. Le titre va maintenant être exposé à la volatilité des arbitragistes dans l'attente de la fixation du prix de l'augmentation de capital. D'ici là, la publication des résultats à juin 2026 sera importante pour mieux comprendre les récentes tendances en oeuvre (recul GEO, accélération LEO).
"Nous avons du mal à considérer cette augmentation de capital comme suffisante pour soutenir ce que nous considérons comme une stratégie LEO véritablement compétitive", déclare enfin JP Morgan ('sous-pondérer'). Il est également difficile de savoir si l'entreprise pourra atteindre son objectif d'Ebitda pour l'exercice 2029, qui est inférieur d'environ 40% à ce que laissaient entendre les prévisions à long terme fournies par Eutelsat en 2022 lors de l'acquisition de OneWeb. Avec l'arrivée imminente de nouveaux concurrents sur le marché des LEO, la banque craint que l'environnement concurrentiel ne fasse que se détériorer avec le temps.