BCE : l'avis des experts sur la nouvelle baisse de taux

Les spécialistes sont nombreux à revenir sur la nouvelle baisse de taux de la Banque centrale européenne ce jeudi. "Alors que quelques membres du Conseil des gouverneurs avaient manifesté leur peu d'e...

Les spécialistes sont nombreux à revenir sur la nouvelle baisse de taux de la Banque centrale européenne ce jeudi. "Alors que quelques membres du Conseil des gouverneurs avaient manifesté leur peu d'empressement à baisser les taux directeurs en avril, le ton employé par la BCE et Christine Lagarde est désormais plus dovish à cause des tensions commerciales. Contrairement à la Fed dans le cas des Etats-Unis, la BCE estime que ces tensions ne joueront pas nécessairement à la hausse sur l'inflation en zone euro. En effet, Lagarde a souligné que la baisse des prix de l'énergie, l'appréciation de l'euro et le possible reroutage des exportations chinoises vers l'Europe risquaient de jouer à la baisse sur l'inflation de la zone euro", explique Bastien Drut, Responsable de la Stratégie et des Études Économiques chez CPRAM.

Mahmood Pradhan, responsable de la macro-économie globale chez Amundi Investment Institute affirme : "au-delà de la baisse des taux largement attendue aujourd'hui, la BCE a reconnu que les perspectives de croissance étaient plus faibles et qu'elle était à l'aise avec le processus de désinflation. Mais elle a également mis l'accent sur le resserrement des conditions financières découlant de la réaction négative et volatile du marché à l'incertitude et aux tensions commerciales. Bien qu'elle n'ait pas voulu, comme on pouvait s'y attendre, donner d'indications sur la trajectoire des taux directeurs, nous pensons que la direction à suivre est très claire : nous pensons que la BCE continuera à réduire ses taux jusqu'à ce qu'ils atteignent 1,5%. Et si les conditions financières continuent à se resserrer, nous nous attendons également à ce que la BCE réduise le rythme de la réduction de son bilan".

Nicolas Forest, Directeur des Investissements de Candriam, indique de son côté que "la baisse des taux d'intérêt est le signe d'une confiance croissante dans la capacité d'atteindre les objectifs d'inflation, alors que la croissance économique est confrontée à des vents contraires de plus en plus forts. Au cours des trois dernières semaines, les risques baissiers se sont intensifiés. La guerre commerciale s'est exacerbée après de l'annonce des droits de douane le 2 avril par l'administration américaine, entraînant une hausse de plus de 5% de l'euro. Les conditions financières se sont resserrées et l'impulsion du crédit devrait s'estomper dans cet environnement très incertain. Dans ce contexte, la BCE s'en tient à une approche prudente, réunion par réunion, en gardant toutes les options ouvertes. En effet, la BCE a supprimé le terme 'restrictif' dans sa déclaration de politique générale afin d'être pleinement 'agile'".

Pour Madison Faller, Global Investment Strategist chez JP Morgan Private Bank, "la BCE a adopté une approche prudente en procédant à une nouvelle baisse de taux - ce qui constitue davantage un signal qu'une surprise. Dans un contexte de croissance faible et de tensions commerciales croissantes, cette décision traduit une inclinaison à la prudence plus qu'à l'affirmation. L'équilibre reste délicat : l'inflation reste un sujet, d'autant plus avec les incertitudes liées aux droits de douane, tandis que la politique budgétaire commence à jouer un rôle plus visible, qu'il ne faut pas négliger. Si la coordination entre les politiques monétaire et budgétaire se maintient, les perspectives européennes pourraient s'avérer plus favorables que ne le laissent penser les risques actuels".

Enfin, Roelof Salomons, Chief Investment Strategist chez BlackRock Pays-Bas, explique que "la principale surprise après la baisse des taux de la BCE, largement attendue, a été la publication d'indications relativement accommodantes. La direction des taux directeurs reste à la baisse, mais certains obstacles se dressent sur sa trajectoire. La BCE pourrait devoir modifier sa trajectoire pour gérer à la fois la répercussion des droits de douane et la relance budgétaire en Europe, faute de données récentes pour éclairer la voie depuis sa dernière réunion. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, semblait davantage préoccupée par les risques pesant sur la croissance que par l'inflation... La BCE anticipe toujours un taux d'inflation de 2% au début de 2026. Nous anticipons un risque de voir l'inflation passer temporairement sous cet objectif en raison du ralentissement de la croissance, de l'appréciation de la monnaie et de la baisse des prix des matières premières. Il est important de souligner que la zone d'impact des droits de douane reste très incertaine ; de fortes représailles de l'UE pourraient entraîner un ralentissement de la croissance et une hausse de l'inflation".