A quatre semaines des législatives au Canada, le Premier ministre et candidat libéral Mark Carney est en tête des sondages devant le conservateur Pierre Poilievre, semblant réussir son pari d'incarner aux yeux des électeurs la personne idéale pour faire face à Donald Trump.
Le président américain, ses déclarations, sa personnalité et la menace qu'il fait peser sur l'économie et la souveraineté canadienne sont en effet le point central de cette campagne.
Selon tous les experts, la question que les Canadiens vont se poser au moment de déposer leur bulletin le 28 avril sera simple: qui de Mark Carney ou de Pierre Poilievre pourra le mieux affronter Donald Trump ces prochaines années ?
"L'économie est le principal enjeu pour moi dans cette élection, ainsi que tout ce qui touche au libre-échange avec les Etats-Unis", raconte à l'AFP Carol Salemi, électrice d'Ottawa.
"Nous avons besoin d'une véritable négociation sur le commerce avec eux et d'un dirigeant fort pour le faire", ajoute-t-elle.
Il nous faut "quelqu'un de ferme face aux Etats-Unis. Il semble que tout le monde soit d'accord sur ce point et c'est bien", renchérit Danielle Varga, 22 ans.
Et à ce jeu-là, il semble bien que, pour l'instant, la préférence des électeurs se porte sur Mark Carney. Ce novice en politique, qui a dirigé les banques centrales du Canada et d'Angleterre, a remplacé Justin Trudeau mi-mars comme Premier ministre.
Après une semaine de campagne, il a complètement renversé la tendance des derniers mois: le dirigeant libéral de 60 ans est maintenant en tête dans tous les sondages, et pourrait même être en mesure de constituer un gouvernement majoritaire.
"C'est l'élection la plus importante de notre vie", a-t-il martelé samedi. "Elle est cruciale pour redéfinir notre relation avec les Etats-Unis, défendre le Canada et bâtir une économie forte et unifiée", a-t-il poursuivi devant des électeurs de sa circonscription à Ottawa.
La semaine passée, il a dû interrompre sa campagne après l'annonce par Donald Trump de son intention d'imposer des droits de douane de 25% sur les importations de voitures. Une mesure qui viendrait s'ajouter aux tarifs douaniers déjà appliqués par Washington sur l'acier et l'aluminium.
Dans la foulée, les deux hommes ont eu un appel qualifié d'"extrêmement constructif" par le président américain. Un changement de ton de sa part, qui n'est pas passé inaperçu au nord de la frontière.
- "Période exceptionnelle" -
De son côté, le conservateur Pierre Poilievre, 45 ans, a lancé sa campagne en mettant l'accent sur des réductions d'impôts, l'amélioration de l'accès au logement et le développement des ressources naturelles pour contrer les pressions américaines.
Cet homme politique de carrière cherche à tordre le cou à l'idée qu'il serait proche du président américain, devenue un handicap dans le contexte actuel.
"Le président Trump veut voir les libéraux rester au pouvoir. Nous savons pourquoi: car avec eux le Canada est faible et ils laisseront nos investissements s'enfuir vers les Etats-Unis", a-t-il estimé dimanche.
Les autres partis, notamment le Nouveau parti démocratique (NPD) de Jagmeet Singh et le Bloc Québécois de Yves-François Blanchet, peinent à faire entendre leur voix en pleine crise nationale.
"C'est vraiment une période exceptionnelle", juge Geneviève Tellier, professeure de sciences politiques à Ottawa, qui estime que "le Canada est à la recherche d'un sauveur".
Selon elle, le "discours ferme" de Mark Carney jeudi expliquant que "les relations avec les Etats-Unis ne seraient plus jamais comme avant, parle aux électeurs".
Les Canadiens se tournent vers Mark Carney, car "ils veulent de la sécurité et une figure rassurante en temps de crise", renchérit Daniel Beland, de l'université McGill de Montréal.
Dans ce pays de 41 millions d'habitants, dont le chef d'Etat en titre est le roi d'Angleterre, 343 sièges sont en jeu dans cette élection anticipée. Le parti qui obtiendra une majorité (donc au minimum 172 députés) formera le prochain gouvernement et son chef deviendra Premier ministre.
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