L'Assemblée nationale du Vietnam va examiner à partir de mercredi des réformes visant à supprimer 20% des emplois publics sur cinq ans, une "révolution" selon les autorités communistes qui veulent ainsi donner un coup de fouet à une économie déjà en plein essor.
Dans le cadre de ce projet, le nombre de ministères et d'agences gouvernementales sera ramené de 30 à 22. La fonction publiques, les médias d'Etat, la police et l'armée subiront également des restructurations.
Cette initiative n'est pas sans rappeler celle du président américain Donald Trump et d'Elon Musk, dont l'objectif est de couper tous azimuts dans les budgets fédéraux aux États-Unis, ou du président argentin Javier Milei qui a fait licencier plus de 33.000 fonctionnaires.
Mais il s'agit cette fois du Vietnam communiste, dont le gouvernement dit vouloir supprimer un emploi sur cinq financé par les fonds publics au cours des cinq prochaines années. Quelque 100.000 fonctionnaires seront licenciés ou se verront proposer un départ anticipé à la retraite.
Selon les autorités, les économies pourraient s'élever à 113.000 milliards de dongs, soit plus de 4,3 milliards d'euros, sur la période, malgré des coûts supérieurs -presque 5 milliards- pour les retraites et les indemnités de départ.
- "Eliminer les tumeurs" -
Si l'Assemblée nationale, contrôlée par le Parti communiste, doit donner son accord final lors d'une session qui débutera mercredi, la cure d'amaigrissement a déjà commencé.
M. Thanh, qui utilise un pseudonyme pour protéger son identité, a expliqué à l'AFP que sa carrière de 12 ans en tant que producteur de télévision avait été interrompue de manière "violente" le mois dernier, lorsque la chaîne d'information contrôlée par l'Etat pour laquelle il travaillait a été fermée.
Cinq chaînes de télévision publiques au total ont à ce jour rendu l'antenne.
"C'est douloureux d'en parler", confie cet homme de 42 ans, reconverti en chauffeur de taxi pour joindre les deux bouts. "Avant, j'étais fier de parler de mon travail aux gens (...) Maintenant, j'ai l'impression d'avoir perdu mon honneur."
S'appuyant sur une croissance économique de 7,1% en 2024, le Vietnam vise les 8% pour cette année.
Mais l'inquiétude monte quant à la vulnérabilité potentielle du pays, très dépendant de ses exportations, aux droits de douane imposés par la nouvelle administration Trump. Les craintes concernent également sa bureaucratie pléthorique et une campagne anti-corruption très médiatisée qui a ralenti les transactions quotidiennes.
Le secrétaire général du Parti communiste To Lam, entré en fonction à la suite du décès de son prédécesseur en juillet, est déterminé à ce que le Vietnam devienne un pays à revenu intermédiaire d'ici à 2030 et fasse un bond dans les rangs des pays à revenu élevé à l'horizon 2045.
En décembre, il a prévenu que les agences de l'Etat ne devaient pas devenir des "planques pour les fonctionnaires médiocres".
"Si nous voulons un corps sain, nous devons parfois prendre des médicaments amers et endurer la douleur pour éliminer les tumeurs", a-t-il même métaphorisé.
- Corruption -
Pour Nguyen Khac Giang, chercheur à l'institut ISEAS de Singapour, "l'ambition primordiale" du Parti communiste, accélérée depuis l'entrée en fonction de To Lam, "est de favoriser un système plus léger et plus réactif pour répondre aux défis économiques et de gouvernance modernes du Vietnam".
Dans les heures suivant la nomination du secrétaire général, le PCV avait annoncé avoir accepté la démission de quatre de ses membres pour "violation des règles" et afin de lutter "contre la corruption".
Mais dans un pays où le népotisme est un problème persistant -- le Vietnam étant classé 83e sur 180 pays dans l'indice de perception de la corruption de Transparency International --, la mise en oeuvre de la réforme de la fonction publique soulèvera de nombreux défis.
Vu Quynh Huong, fonctionnaire de 51 ans, craint paradoxalement que les plus compétents, qui auront la possibilité de migrer vers le privé, soient ceux qui finissent par partir.
"J'envisage de prendre une retraite anticipée, je peux travailler en tant que consultante indépendante ou pour mon entreprise familiale", a-t-elle témoigné auprès de l'AFP.
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