Quand les cours s'emballent, ruée vers les marchands d'or de Londres...

Quand les cours s'emballent, ruée vers les marchands d'or de Londres

Les boutiques d'Hatton Garden, célèbre quartier des bijoutiers de Londres, lèvent leurs rideaux de fer sur des devantures remplies d'or: le métal jaune, qui vole de record en record, attire une foule d'acheteurs et de vendeurs, parfois novices, à la recherche d'une bonne affaire.

"Tout ce que je sais, c'est que je dois refuser la première offre que l'on me fait", plaisante Jennifer Lyle, une cliente, qui passe de boutique en boutique en exhibant, dans une pochette plastique, un vieux bracelet en or et une boucle d'oreille à laquelle manque son double.

La veille, la trentenaire a regardé une émission "où une femme qui avait acheté une petite pièce d'or pour 60 livres sterling en 1996 pouvait désormais la revendre à 550 livres" (660 euros), raconte-t-elle, les yeux écarquillés.

Dans un contexte d'incertitudes géopolitiques accrues, notamment dans la foulée du déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, l'or, valeur refuge, s'est envolé et continue de battre des records.

Son prix s'est affiché en moyenne l'an dernier à 2.386 dollars l'once (un peu plus de 31 grammes), une progression de 23% sur un an, selon le Conseil mondial de l'or (CMO).

C'est cette flambée qui a attiré Mme Lyle dans ce quartier du coeur de Londres où les bijoux s'échangent depuis l'époque victorienne et qui réunit aujourd'hui des dizaines de joailliers, prêteurs sur gage et autres marchands d'or.

- Du jamais vu -

"J'ai récemment perdu mon emploi", poursuit-elle sans se départir de son sourire, "alors je me suis dit que ces quelques grammes d'or pourraient m'aider à couvrir mes factures".

Elle espérait vendre ses bijoux pour 100 livres mais n'a pas trouvé preneur et promet de revenir. Mais "si j'avais beaucoup d'or, je le garderais, car c'est un super investissement", se prend-elle à rêver.

Les prix de l'or montent toujours un peu, mais une telle envolée, "c'est quelque chose qui n'était jamais arrivé", depuis huit ans que Naqash Anjum travaille dans la boutique "Touch of Gold".

Debout derrière un présentoir où brillent colliers et bracelets dorés, "Qash", comme tout le monde le surnomme ici, affirme "qu'avec ce niveau de prix il y a assurément plus de gens qui cherchent à vendre" leurs bijoux et autres bibelots d'or.

Mais certains sont là pour acheter. Dans la rue principale d'Hatton Garden, un jeune homme prénommé Gilly, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, sort d'une boutique et s'engouffre dans une grosse cylindrée, "je cherchais une nouvelle montre, en or", lâche-t-il.

Les prix records ne le repoussent pas, au contraire: "l'or monte tout le temps, donc il vaut mieux acheter maintenant, pas vrai ?".

Paradoxalement, la flambée du métal précieux ne fait pas vraiment les affaires des marchands d'or, qui peinent à écouler leurs bijoux.

A l'approche de la Saint-Valentin, les gens réalisent "qu'ils ne peuvent plus acheter la même quantité d'or" qu'auparavant, regrette Qash, en passant pensivement la main dans une barbe brune bien taillée.

- Modèles en résine -

"Ce qui se vendait bien avant devient hors de prix après quelques mois" et "les marges de 20% ou 30% avec lesquelles on fonctionne" s'érodent si les bijoux ne trouvent pas preneurs, ajoute-t-il.

De fait, la demande mondiale d'or dans le secteur de la bijouterie est tombée de 11% en volume en 2024, selon le CMO - ce qui n'a pas empêché les dépenses de progresser de 9% en valeur tant l'or s'est envolé.

Derrière le comptoir, Tamer Yigit, patron de cette boutique qui achète, expertise, modifie ou conçoit sur mesure des bijoux en or, raconte avoir débuté sa carrière dans le négoce du métal précieux "à l'âge de huit ans en Turquie".

Aujourd'hui cinquantenaire, il désigne une boîte pleine de modèles de bijoux en résine bleue, parmi lesquels les clients peuvent choisir: "désormais on ne peut plus créer des modèles directement en or, car on prend le risque qu'ils ne se vendent jamais."

Un client, lui-même détaillant d'or, entre dans l'échoppe pour faire expertiser une caissette de bijoux. Verdict de l'expert: une pièce de monnaie estampillée Louis XVI est en fait un alliage zinc-cuivre.

M. Yigit n'est pas surpris. Avec les records de prix, il doit redoubler de vigilance: "on reçoit beaucoup plus de bijoux prétendument en or qui s'avèrent être des alliages à base de cuivre et d'autres métaux".

© 2025 AFP

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