Les chefs de la diplomatie du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud ont débuté samedi à Tokyo une rencontre visant à renforcer leur coopération, alors que la guerre commerciale engagée par les États-Unis menace la région.
"La situation internationale est devenue de plus en plus difficile, et il n'est pas exagéré de dire que nous nous trouvons à un tournant de l'histoire", a déclaré le ministre japonais des Affaires étrangères, Takeshi Iwaya devant ses homologues chinois Wang Yi et sud-coréen Cho Tae-yul.
Cette réunion trilatérale, la 11e sous ce format, intervient alors que l'Asie orientale se trouve particulièrement touchée par l'offensive douanière lancée tous azimuts par le président américain Donald Trump.
Dans ce contexte, "il est plus que jamais nécessaire de redoubler d'efforts pour surmonter les divisions et les confrontations par le dialogue et la coopération", a ajouté M. Iwaya en amont des discussions.
Relevant que cette année marquait le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Wang Yi a estimé en amont de la rencontre que "c'est en réfléchissant sincèrement à l'histoire que nous pourrons mieux construire l'avenir".
Renforcer la coopération permettra de "résister ensemble aux risques" et de promouvoir la "compréhension mutuelle" entre les populations, a ajouté le ministre chinois.
"La coopération entre les trois pays peut envoyer au monde un message d'espoir pour l'avenir", a déclaré son homologue sud-coréen Cho Tae-yul, ajoutant espérer "des discussions ouvertes et franches (...) sur la question nucléaire nord-coréenne".
Les chefs d'Etat des trois pays s'étaient retrouvés en mai 2024 à Séoul pour leur premier sommet tripartite en cinq ans: ils y avaient convenu d'approfondir leurs liens commerciaux et réaffirmé leur objectif de dénucléarisation de la péninsule coréenne --en référence aux armements nucléaires développés par la Corée du Nord.
Séoul et Tokyo adoptent généralement une position plus ferme à l'égard de Pyongyang que Pékin, qui demeure l'un des principaux alliés et bailleurs de fonds économiques de Pyongyang.
- "Diversifier les options" -
A Tokyo samedi, les ministres devraient notamment aborder les questions de coopération économique, de dialogue entre les peuples, et de mesures visant à contrer la baisse de la natalité --un problème critique pour les trois pays--, a rapporté la télévision publique japonaise NHK.
Ils s'efforceront par ailleurs de s'entendre sur l'organisation d'un potentiel nouveau sommet trilatéral d'ici la fin de l'année, a ajouté la chaîne.
Mais cette nouvelle réunion "devrait donner la priorité aux questions économiques, face aux offensives douanières de l'administration Trump", avertit Lim Eul-chul, professeur à l'Institut d'études d'Extrême-Orient de Séoul.
Les Etats-Unis ont déjà frappé de droits de douane additionnels de 20% les importations de produits chinois, et imposé des droits de 25% sur l'acier et l'aluminium, décision qui frappe durement le Japon et la Corée du Sud --avant une salve de droits de douane "réciproques" ciblant tous les pays, attendue début avril.
Pour Patrica Kim, chercheuse à la Brookings Institution à Washington, les dirigeants de ces trois pays "sont de plus en plus contraints de diversifier leurs options" face à ces pressions américaines.
"Il n'est pas surprenant que les trois plus grandes économies d'Asie orientale se tournent les unes vers les autres en quête de nouvelles opportunités économiques", estime-t-elle auprès de l'AFP.
Avant leur réunion, les trois ministres ont été reçus vendredi par le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba qui a plaidé pour une diplomatie "pragmatique", y compris "sur les sujets de préoccupation".
Des discussions bilatérales sont également prévues samedi. En particulier, le Japon et la Chine tiendront leur premier "dialogue économique de haut niveau" en six ans.
Les deux puissances tentent de renouer des relations qui, depuis des années, sont entachées notamment par d'historiques conflits territoriaux.
Tokyo entend également convaincre Pékin de lever complètement l'interdiction des importations de fruits de mer japonais, imposée après le début du rejet dans l'océan de l'eau stockée sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima.
Un dossier jugé crucial par M. Iwaya. La Chine a déjà annoncé en septembre se préparer à "reprendre progressivement" ses importations, mais sans mise en oeuvre effective pour l'heure.
© 2025 AFP