Le constructeur automobile japonais en difficulté Nissan a essuyé en 2024-2025 une perte nette annuelle colossale, plombé par une douloureuse restructuration qui le conduira d'ici 2027 à fermer 7 usines et à supprimer 20.000 emplois, soit 15% de ses effectifs mondiaux.
"Nous avons une structure de coûts très élevée. Pour compliquer les choses, le marché mondial est volatil et imprévisible, rendant la planification et l'investissement de plus en plus difficiles", a déclaré mardi le PDG Ivan Espinosa.
Nissan, dont le français Renault détient 35%, a enregistré une perte nette de 671 milliards de yens (4,1 milliards d'euros) sur l'exercice décalé achevé fin mars. Renault a dit mardi s'attendre lui-même à un impact négatif de 2,2 milliards d'euros au premier trimestre 2025 en raison des difficultés du constructeur japonais.
Cette contre-performance s'explique notamment par les coûts liés au plan de redressement engagé: fortement endetté, non rentable et miné par l'essoufflement des ventes sur ses marchés-clés, Nissan avait annoncé en novembre vouloir réduire de 20% ses capacités de production.
Il avait dans le même temps annoncé viser 9.000 suppressions de postes dans le monde. Un chiffre finalement porté mardi à 20.000 au total d'ici l'exercice budgétaire 2027.
"Nous ne ferions pas cela si ce n'était nécessaire pour survivre", a assuré M. Espinosa.
Nissan ajoute qu'il "consolidera le nombre de ses usines de production de véhicules de 17 à 10 d'ici l'exercice 2027 (...) et accélérera les réductions des dépenses d'investissement".
L'entreprise a récemment abandonné son projet, tout juste approuvé, d'une usine de batteries au lithium d'un milliard de dollars dans le sud du Japon.
- "Incertitude" -
Nissan, dont l'action a perdu 40% sur l'année écoulée, reste sous la pression d'un énorme endettement: les agences de notation ont abaissé sa note et l'ont placée en catégorie spéculative, Moody's pointant sa "faible rentabilité" et "sa gamme de modèles vieillissants".
Lors des trois premiers mois de 2025, il a encore vu ses ventes mondiales plonger de 5,5% sur un an, à quelque 869.000 véhicules, plombées par la Chine (-27,5%), le Japon (-9,8%) et l'Europe (-3,4%).
Les perspectives restent moroses: à l'effritement de la demande s'ajoute la guerre commerciale engagée par Washington.
Le constructeur a réalisé en 2024-2025 un chiffre d'affaires stable (-0,4%) de 12.633 milliards de yens (76,9 milliards d'euros), et attend des revenus du même ordre pour l'exercice 2025-2026 entamé début avril. Mais -chose rare- il n'a dévoilé aucune prévision de bénéfices pour ce nouvel exercice.
"L'incertitude liée aux politiques douanières américaines nous empêche d'estimer rationnellement nos prévisions annuelles", explique M. Espinosa.
Depuis avril, Washington surtaxe à 25% les voitures importées aux Etats-Unis. Or, Nissan y a réalisé l'an dernier 30% de ses ventes mondiales: 924.000 véhicules, dont 45% étaient importés du Japon et du Mexique.
Parmi les constructeurs japonais, Nissan sera probablement le plus durement touché, explique à l'AFP Tatsuo Yoshida, analyste chez Bloomberg Intelligence.
Dans l'immédiat, Nissan assure disposer de stocks "importants" chez ses concessionnaires américains, mais ensuite il sera confronté à un dilemme: répercuter les surtaxes sur les prix de vente pourrait dissuader sa clientèle, prévient M. Yoshida.
-"Urgence accrue"-
Le groupe apparaît fragilisé: il avait entamé fin 2024 avec Honda des négociations en vue d'un mariage pouvant donner naissance au troisième constructeur mondial, mais les discussions se sont effondrées mi-février.
Cette débâcle a précipité le départ du PDG Makoto Uchida, remplacé par M. Espinosa, qui entend muscler le "plan de redressement". "Nissan doit donner la priorité à son amélioration continue avec une urgence accrue", a réaffirmé ce dernier mardi.
Soucieux de gagner en efficacité, Nissan entend "réduire la complexité des pièces (détachées) de 70%" et accélérer ses efforts censés "réduire significativement le délai de développement d'un nouveau modèle à 37 mois".
Enfin, l'entreprise continue de parier sur le vaste marché chinois, où il affronte la concurrence acérée des marques locales: Nissan a vu ses ventes s'y effondrer de 27% sur les trois premiers mois de 2025.
Le constructeur s'est pour autant engagé mi-avril à investir l'équivalent de 1,4 milliard de dollars d'ici fin 2026 en Chine, y voyant un marché irremplaçable par son ampleur et le terrain idéal pour tester le développement de véhicules électriques et hybrides.
La situation précaire de Nissan pourrait accélérer sa recherche d'un partenaire: aux aguets, le géant taïwanais de l'assemblage électronique Foxconn (Hon Hai), fournisseur d'Apple et soucieux de diversification, s'est déclaré ouvert à racheter la participation de Renault dans Nissan.
© 2025 AFP