YouTube devra-t-il respecter l'interdiction d'accès aux moins de 16 ans ? Alors que l'Australie s'apprête à instaurer d'ici fin 2025 une loi interdisant aux jeunes de moins de 16 ans d'accéder aux réseaux sociaux, un bras de fer s'installe entre le régulateur internet du pays et le service de vidéo en ligne détenu par Alphabet. L'Autorité australienne chargée de la régulation d'Internet, l'eSafety Commissioner, réclame du gouvernement qu'il retire l'exemption accordée à YouTube, qui jusqu'ici pourrait échapper à cette interdiction stricte.
Pour rappel, le gouvernement travailliste de centre-gauche dirigé par Anthony Albanese avait annoncé qu'il accorderait une dérogation à la plateforme, invoquant l'utilisation de YouTube à des fins éducatives et sanitaires. "Si YouTube est incontestablement une source de divertissement et de loisir, c'est aussi une source importante de contenu éducatif et informatif, sur laquelle comptent les enfants, les parents et les soignants, ainsi que les établissements d'enseignement", avait expliqué en février dernier un porte-parole de Michelle Rowland, alors ministre des Communications. Cette décision a suscité des critiques de la part d'autres acteurs du secteur comme Meta (Facebook, Instagram), Snapchat ou TikTok, qui estiment qu'une telle exemption serait injuste.
Julie Inman Grant, responsable d'eSafety, a indiqué avoir écrit au gouvernement la semaine dernière pour demander la suppression de toute exemption lors de l'entrée en vigueur de la loi. Elle a rappelé que les recherches menées par le régulateur chargé de la sécurité en ligne révèlent que 37% des enfants âgés de 10 à 15 ans affirment avoir été exposés à des contenus nuisibles sur YouTube, soit le plus haut taux parmi les réseaux sociaux.
Des algorithmes jugés dangereux pour les mineurs
"Ce n'est pas un combat équitable quand il s'agit de nos enfants face aux réseaux sociaux", a-t-elle estimé lors d'une intervention au National Press Club à Sydney. Elle a dénoncé les "fonctionnalités de design persuasif" déployées par les plateformes, telles que les algorithmes de recommandation et les notifications, qui maintiennent les utilisateurs connectés. "YouTube a maîtrisé ces algorithmes opaques qui entraînent les utilisateurs dans des spirales dont ils sont incapables de se défaire", a-t-elle ajouté.
En réponse, YouTube a publié un billet de blog dans lequel Rachel Lord, directrice des politiques publiques pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande, accuse la commissaire de diffuser des recommandations incohérents et contradictoires, ignorant les propres recherches du gouvernement qui indiquent que 69% des parents jugent la plateforme adaptée aux moins de 15 ans. "La commissaire à la sécurité en ligne a choisi d'ignorer ces données, la décision du gouvernement australien ainsi que les preuves claires apportées par les enseignants et les parents que YouTube convient aux jeunes utilisateurs", a-t-elle écrit.
Interrogée sur ces sondages favorables à une exemption pour YouTube, Julie Inman Grant a répondu que sa priorité restait "la sécurité des enfants, ce qui surpassera toujours toute considération politique, toute volonté d'être appréciée ou d'obtenir l'adhésion du public". De son côté, une porte-parole de la ministre des Communications, Anika Wells, a précisé que celle-ci "étudiait les recommandations du régulateur en ligne" et que sa "priorité absolue était de s'assurer que le projet de réglementation réponde aux objectifs de la loi et protège les enfants des dangers des réseaux sociaux".