Dernière étape de sa montée en puissance sur le front des droits de douane, le président américain Donald Trump souhaite créer de la "réciprocité", "seule façon équitable d'agir" selon lui, mais qui risque de tendre un peu plus les relations commerciales des Etats-Unis.
Car l'idée de droits de douane réciproques, dont l'étendue reste encore à déterminer, pourrait représenter un coup sévère à certaines économies émergentes qui, tels le Brésil ou l'Inde, en imposent à des niveaux plus élevés pour protéger leurs économies respectives.
- De quoi parle-t-on?
L'idée n'est pas nouvelle chez Donald Trump, qui y avait déjà fait rapidement allusion durant sa campagne, en reprenant la loi du Talion pour la réadapter à sa manière: "oeil pour oeil, droit de douane pour droit de douane, exactement le même montant".
Il a réitéré l'idée dimanche, la résumant en quelque chose de "très simple: s'ils nous font payer, on les fait payer". De son point de vue, il n'y a aucune raison qu'un pays étranger taxe les produits américains à un niveau supérieur à celui auquel les produits de ce pays sont taxés en entrant aux Etats-Unis.
Interrogé sur CNBC, le principal conseiller économique de la Maison Blanche, Kevin Hesset a confirmé l'idée, soulignant que "si on nous taxe à 20%, on devrait pouvoir le faire, et si les droits de douane baissent, nous les baissons".
- Qui serait concerné?
Tout dépend de la manière dont le gouvernement américain conçoit son principe de réciprocité car les données peuvent varier d'une source à l'autre. Mais les pays émergents taxent plus que les économies développées.
Selon Kevin Hesset, "le Canada et le Mexique sont au même niveau que nous, du fait de notre accord de libre-échange, de même que le Royaume-Uni. L'Union européenne est 2 à 3 points de pourcentage (pp) plus haut, Taïwan 10 ou 11pp, et l'Inde sont en moyenne 20pp au-dessus".
Mais selon les données de la Banque mondiale, les Etats-Unis appliquaient en réalité en moyenne des droits de douanes supérieurs à ceux imposés par les pays européens (2,72% contre 1,95%) alors que l'Inde est à 14,26% en moyenne, le Brésil à 12,38% et la Chine à 6,54%.
En prenant plus particulièrement en compte les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et ses principaux partenaires, le rapport annuel de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pointe que, si l'UE taxe légèrement plus les produits américains que les Etats-Unis vis-à-vis des produits européens (4,5% contre 3,9%), une part plus importante des exportations américaines en Europe y entre sans taxes que l'inverse. Ramenés au volume échangé, les droits de douane américains sont ainsi plus élevés que ceux de l'UE (1,4% contre 0,9%).
Reste une inconnue: ce que le gouvernement américain considérerait comme un "droit de douane". M. Trump s'est ainsi plaint régulièrement de la TVA appliquée en Europe, généralement plus élevée qu'aux Etats-Unis, et qu'il assimile à un droit de douane.
Le président américain pourrait aussi "chercher à éliminer les barrières non tarifaires", souligne Goldman Sachs, comme des normes différentes à celles existant aux Etats-Unis ou des restrictions aux importations, telles que celles touchant le boeuf aux hormones américain vers l'Europe.
- Quel est l'objectif?
"De créer de l'incertitude pour en faire une tactique de négociation. Mais l'incertitude est une forme d'impôt sur les sociétés", estime auprès de l'AFP Jeffrey Schott, chercheur au centre de réflexion Peterson Institute for International Economics.
Il s'agirait dès lors d'utiliser, une fois de plus, les droits de douane pour obtenir d'autres avancées que Donald Trump estime bénéfiques pour son pays, tel qu'inciter les pays européens à ne pas se positionner sur les métaux rares présents en Ukraine, ou les pousser à acheter plus de gaz naturel liquéfié américain.
Reste à déterminer dans quelle mesure il s'agit d'une finalité ou d'un point de départ. Durant sa campagne, Donald Trump a en effet défendu à de multiples reprises l'idée d'imposer à terme entre 10 et 20% de droits de douane sur l'ensemble des produits entrants aux Etats-Unis, soit un niveau bien supérieur à ce qu'entraîneraient des droits de douane réciproques.
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