Des agriculteurs chinois âgés transportant d'énormes paniers remplis de légumes s'entassent avant l'aube dans une station de métro, à la périphérie de la mégapole de Chongqing, avant d'affronter un long périple en transports en commun vers le marché où ils vendront leur marchandise.
Au moment où l'économie est au centre de la session annuelle de l'Assemblée populaire nationale (APN) à Pékin, les retraités qui se sont déversés dans le centre-ville de Chongqing pour vendre de la ciboulette, de la laitue et des ?ufs d'oie, savent qu'ils n'en retireront que de maigres revenus.
A l'ouverture de cette session mercredi, les dirigeants chinois ont annoncé un objectif de croissance d'environ 5% en 2025, malgré la crise dans le secteur de l'immobilier, une faible demande sur le marché intérieur et un contexte géopolitique tourmenté.
Ce spectacle incongru d'agriculteurs transportant leurs paniers au pied des gratte-ciels futuristes de Chongqing rappelle que pour beaucoup, notamment les habitants des zones rurales et les personnes âgées, gagner sa vie est toujours un combat dans la deuxième économie mondiale.
Wu Baixing, 71 ans, habitante d'un village des environs de la ville, a raconté à l'AFP qu'elle marchait souvent pendant une heure jusqu'à la station de métro la plus proche pour vendre des légumes dans le centre-ville, une tâche épuisante quand il faut transporter des dizaines de kilos de marchandise.
Wu complète ainsi sa pension de retraite de moins de 200 yuans (27,53 dollars) par mois, un montant moyen pour un habitant d'une zone rurale, bien moindre que celui perçu par les retraités urbains, conformément au système chinois d'enregistrement des ménages les classant dans deux catégories.
La vente de légumes est loin d'être lucrative, "car il y a beaucoup de légumes et de nombreux agriculteurs qui les vendent".
Bravant une bruine persistante, un groupe d'agriculteurs attend déjà à la gare de Shichuan, au nord-est de Chongqing, plus de deux heures avant le premier train de 06H30.
Beaucoup portent des paniers tressés sur leur dos ou les transportent sur des chariots, d'autres tiennent deux paniers en équilibre sur un joug en bambou posé sur leurs épaules.
Des dizaines d'agriculteurs investissent les rames au look épuré qui relient les territoires agricoles au c?ur de ville densément peuplé. Les paniers envahissent l'allée centrale du métro.
- "Personne ne veut m'embaucher" -
Les personnes âgées de 65 ans ou plus ont droit à la gratuité dans le métro, mais les trajets vers le marché impliquent souvent des correspondances et peuvent prendre jusqu'à deux heures.
Xiong, agriculteur de 69 ans, fait partie d'un groupe qui a pris trois trains différents mercredi pour se rendre au marché de Minsheng dans le centre de Chongqing.
Le groupe a dû se faufiler parmi la foule des heures de pointe, sprintant entre les escalators pour attraper les correspondances.
Arrivés à destination, ils affrontent la circulation pour atteindre le marché couvert.
Liu Guiwen, 72 ans, déclare à l'AFP qu'elle ne gagne qu'une trentaine de yuans par jour en vendant ses produits.
"Quand j'étais jeune, je ne cultivais pas de légumes, quand j'étais jeune, je travaillais", souligne-t-elle.
Dans le rapport d'activité rendu public mercredi, les dirigeants chinois se sont engagés à "prendre des mesures solides pour faire avancer la réforme et le développement" dans les campagnes et à fournir une aide aux habitants des zones rurales à faibles revenus.
L'urbanisation s'est intensifiée, mais les ruraux représentaient encore 33% de la population de la Chine en 2024, selon les chiffres du gouvernement.
Liu Lu'an, 63 ans, se dit heureux que ses enfants aient échappé à leur milieu agricole et travaillent à présent dans des usines en ville.
"Les jeunes d'aujourd'hui ne voudraient pas revenir travailler comme agriculteurs. Ils ont des emplois avec des avantages sociaux", ajoute Liu.
"A présent que j'ai plus de 60 ans, personne ne veut m'embaucher", relève-t-il.
Liu et sa femme ont transporté ce jour-là environ 40 kilos de légumes au marché. "Je le fais tant que je n'ai pas de dettes et qu'il y a de quoi manger", déclare-t-il.
© 2025 AFP