Le rôle de l'homme d'affaires André Guelfi, alias "Dédé la Sardine, figure controversée aux nombreux démêlés judiciaires, a animé les débats au deuxième jour d'un procès pour tentative d'escroquerie au préjudice de TotalEnergies jugé par le tribunal correctionnel de Nanterre.
André Guelfi est présenté par la défense comme le personnage central de ce dossier complexe où sept personnes sont soupçonnées d'avoir participé à la mise en place d'un tribunal arbitral frauduleux visant à soutirer plus de 22 milliards de dollars (environ 19 milliards d'euros) à la multinationale à la fin des années 2000.
Décédé en 2016 à 97 ans, André Guelfi n'a jamais été entendu dans le cadre de l'enquête, ouverte en 2011 après une plainte de TotalEnergies.
Une situation "problématique et préjudiciable", a déploré Cédric Labrousse, conseil de l'un des mis en cause, l'avocat et ancien président du tribunal de commerce de Paris Jean-Pierre Mattei.
La présidente, Céline Ballerini, lui a assuré que ces éléments seraient "pris en compte" par le tribunal.
- Pilote de course -
Décrivant un "parcours étonnant", Mme Ballerini a rappelé que M. Guelfi se targuait d'avoir été "successivement ou simultanément pilote de course automobile, exportateur de poisson au Maroc (d'où son surnom, NDLR) et patron de la marque Le Coq Sportif".
Dans son autobiographie, l'homme d'affaires affirmait avoir aidé à faire élire l'Espagnol Juan Antonio Samaranch à la tête du Comité international olympique et contribué à l'organisation des Jeux olympiques de Moscou en 1980.
Il s'est rapproché, dans les années 1990, du groupe Elf (acquis plus tard par l'actuel TotalEnergies), alors dirigé par Loïk Le Floch-Prigent, pour agir comme intermédiaire dans plusieurs pays de l'ex-URSS.
A cette même période, en 1992, Elf signe, via l'une de ses filiales aujourd'hui liquidée, un contrat d'exploration de gisements d'hydrocarbures avec les régions russes de Saratov et de Volgograd (sud-ouest du pays) et la société de droit russe Interneft.
Ce contrat, soumis à des conditions suspensives et dont la caducité a été confirmée par plusieurs décisions de justice, n'est jamais entré en vigueur.
Dix-sept ans plus tard, à l'été 2009, les régions russes et Interneft réclament que TotalEnergies leur verse environ 22 milliards de dollars, arguant que le groupe n'avait pas honoré ses engagements.
M. Guelfi est soupçonné d'avoir, à l'appui d'une société de droit chypriote, cherché à mettre en place une procédure d'arbitrage dont le but était d'extorquer le montant pharaonique à TotalEnergies.
Plusieurs années avant la constitution de ce tribunal arbitral, "Dédé la Sardine" avait été l'une des figures majeures du procès Elf. Il a été condamné en 2005 en appel à 18 mois de prison pour son rôle dans le détournement de fonds du groupe pétrolier.
- Vacances en Corse -
En l'absence d'André Guelfi, le tribunal correctionnel se penche depuis lundi sur le rôle exact des sept personnes jugées.
Trois d'entre elles sont les membres du tribunal arbitral, dont faisait partie Jean-Pierre Mattei qui devait agir pour le compte de la filiale d'Elf. Il comparaît pour corruption passive par arbitre international et tentative d'escroquerie en bande organisée.
Dans son ordonnance de renvoi, le magistrat instructeur rappelle que MM. Mattei et Guelfi se connaissaient avant la constitution du tribunal arbitral et avaient passé des vacances en Corse.
Également prévenus, les avocats Olivier Pardo et Xavier Cazottes, qui sont intervenus pour les parties russes, sont eux jugés, en plus des faits d'escroquerie, pour corruption active d'arbitre international et corruption active d'une personne chargée d'une mission de service public, en l'occurrence l'administrateur judiciaire Charles-Henri Carboni.
Ce dernier se voit reproché d'avoir désigné M. Mattei tout en étant au courant de sa proximité avec M. Guelfi, ce qu'il conteste.
L'avocat François Binet, ancien prestataire de TotalEnergies, est poursuivi pour tentative d'escroquerie. L'ordonnance de renvoi évoque son "double jeu" visant à rester à la fois proche de l'entreprise et de M. Mattei qu'il connaissait.
Le procès doit s'achever le 19 décembre.
© 2025 AFP